Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/51

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çaient lentement, quand tout à coup une détonation se fit entendre tout près ; en même temps, deux grilles de fer, qu’ils n’avaient pas vues, se fermèrent et leur interceptèrent le passage des deux côtés. Ils n’étaient pas pris tous trois, mais seulement Wilhelm et Félix : car, au moment où le coup était parti, Fitz avait reculé d’un bond, et la grille, en se fermant, n’avait pris que sa large manche ; mais lui, ôtant vite sa jaquette, il s’était enfui sans tarder un moment.

Les deux prisonniers étaient à peine remis de leur surprise, qu’ils entendirent des voix d’hommes qui semblaient s’approcher lentement. Bientôt après, des gens armés, portant des flambeaux, s’avancèrent vers les grilles, curieux de savoir quelle capture ils avaient faite. Ils demandèrent en même temps si l’on se rendait de bonne grâce.

« Il ne peut être question de nous rendre, répliqua Wilhelm, nous sommes en votre pouvoir. Nous avons plutôt sujet de vous demander si votre intention est de nous épargner. Je vous livre la seule arme que nous possédions. »

En disant ces mots, il tendit son couteau de chasse à travers la grille. Elle s’ouvrit aussitôt, et les voyageurs furent doucement conduits plus avant. Lorsqu’on leur eut fait monter un escalier tournant, ils se trouvèrent dans un lieu fort étrange. C’était une chambre spacieuse et propre, éclairée par de petites fenêtres percées sous la corniche, et qui, malgré des barreaux épais, répandaient assez de lumière. On l’avait meublée de siéges, de lits, de tout ce qu’on pourrait demander dans une auberge ordinaire, et, celui qu’on y enfermait paraissait ne manquer d’autre chose que de la liberté.

Dès son entrée dans la chambre, Wilhelm s’était assis et réfléchissait à leur position ; mais Félix, lorsqu’il fut revenu de sa surprise, entra dans une incroyable fureur. Ces droites murailles, ces hautes fenêtres, ces portes solides, cet isolement, cette réclusion, étaient pour lui une chose toute nouvelle. Il regardait autour de lui, il courait de côté et d’autre, trépignait, pleurait, secouait les verrous, frappait du poing contre les portes ; il les aurait même heurtées de la tête, si Wilhelm ne l’avait saisi et retenu de force.

« Souffre tout cela tranquillement, mon fils, lui dit-il, car