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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/511

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« La barque chancelle, cria le vieillard, et, si vous ne restez tranquilles, elle peut chavirer. Asseyez-vous, feux follets ! »

A cette invitation, ils partirent d’un grand éclat de rire, se moquèrent du vieillard et s’agitèrent plus encore qu’auparavant. Il souffrit patiemment leur impertinence et ne tarda pas à toucher l’autre bord.

« Voilà pour votre peine ! crièrent les voyageurs ; et, tandis qu’ils se secouaient, beaucoup de brillantes pièces d’or tombèrent dans l’humide nacelle.

— Au nom du ciel, que faites-vous ? dit le vieillard ; vous serez pour moi la cause du plus grand malheur. Si une pièce d’or était tombée dans l’eau, le fleuve, qui ne peut souffrir ce métal, se serait soulevé en vagues épouvantables, qui auraient englouti et la barque et moi. Et qui sait ce qui serait arrivé ? Reprenez votre or.

— Nous ne pouvons rien reprendre de ce que nous avons semé en nous secouant.

— Ainsi vous me donnez encore la peine de les ramasser, de les porter à terre et de les enfouir, » dit le vieillard en se baissant et recueillant les pièces d’or dans son bonnet.

Les feux follets s’étaient élancés hors de la barque, et le vieillard s’écria : « Et mon salaire ?

— Celui qui n’accepte pas l’or peut travailler gratis, répondirent les feux follets.

— Vous devez savoir qu’on.ne peut me payer qu’avec les fruits de la terre.

— Avec les fruits de la terre ? Nous les dédaignons et n’en avons jamais mangé.

— Cependant je ne puis vous laisser aller que vous ne m’ayez promis de m’apporter trois choux, trois artichauts et trois gros oignons. »

Les feux follets voulurent s’esquiver en badinant, mais ils se sentirent enchaînés au sol d’une manière incompréhensible. C’était la plus désagréable sensation qu’ils eussent jamais éprouvée. Ils promirent de satisfaire bientôt à la demande du passeur : il les laissa partir et quitta le bord.

Il était déjà bien loin, quand les feux follets lui crièrent :