Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/527

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la chaise de campagne, d’ivoire sculptée, sur laquelle la belle s’était assise, et prit sous le bras le coussin de brocart ; une troisième parut, avec une grande ombrelle brodée de perles, aux ordres du Lis, si elle en avait besoin pour faire une promenade. Ces trois jeunes filles étaient belles et charmantes au delà de toute expression, et cependant elles ne faisaient que relever la beauté du Lis, car chacun devait avouer que ces jeunes filles ne lui pouvaient être comparées.

Cependant le Beau lis avait considéré le merveilleux Mops avec intérêt : elle se baissa ; elle le toucha et, à l’instant même, il bondit. Il jeta autour de lui des regards joyeux, courut çà et là, et finit par saluer de la façon la plus amicale sa bienfaitrice. Elle le prit dans ses bras et le pressa contfe elle.

« Tu es froid, lui dit-elle, et tu n’as qu’une moitié de vie ; cependant tu es le bienvenu ; je t’aimerai tendrement, je jouerai gentiment avec toi, je te caresserai d’une main amicale, et je te presserai sur mon cœur. »

Là-dessus elle le laissa courir, le chassa loin d’elle, le rappela, joua si joliment avec lui, et le poursuivit si gaiement et si innocemment sur le gazon, qu’il fallait admirer sa joie avec un nouveau ravissement et y prendre part, comme, peu de temps auparavant, sa tristesse avait ému de compassion tous les cœurs.

L’arrivée du jeune homme affligé troubla cette sérénité, ces agréables jeux. Il s’avança, tel que nous le connaissons : seulement, la chaleur du jour semblait l’avoir encore plus abattu, et, en présence de sa bien-aimée, il pâlissait davantage de moments en moments. Il portait sur sa main l’autour qui se tenait tranquille comme une colombe, et les ailes pendantes.

« Ce n’est pas aimable à toi, s’écria le Beau lis, à son approche, d’offrir à mes yeux le monstre qui aujourd’hui même a tué mon petit chanteur.

— Ne condamne pas cet oiseau malheureux, répondit le jeune homme ; accuse plutôt le sort et toi-même, et pardonnemoi de m’associer à mon compagnon d’infortune. »

Cependant Mops ne cessait pas d’agacer la belle, qui répondait de la manière la plus caressante au transparent favori. Elle frappait des mains pour l’effrayer, puis elle courait pour