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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/528

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l’attirer de nouveau après elle ; elle cherchait à le saisir lorsqu’il fuyait, et le chassait lorsqu’il voulait s’élancer contre elle. Le jeune ho.mme observait la chose en silence, avec un dépit croissant ; mais enfin, lorsqu’elle prit dans ses bras l’odieux animal, qu’il trouvait affreux, le pressa contre son sein d’ivoire, et, de ses lèvres divines, baisa son noir museau, il perdit toute patience et s’écria désespéré :

« Faut-il, quand une malheureuse destinée me condamne à vivre en ta présence dans une séparation éternelle peut-être ; quand j’ai tout perdu par toi et me suis perdu moi-même, faut-il que je voie devant mes yeux une monstrueuse créature t’exciter à la joie, fixer ta tendresse et jouir de tes embrassements ! Dois-je plus longtemps encore aller et venir de la sorte et mesurer ce cercle de douleurs, en passant et repassant la rivière ? Non, une étincelle de ma valeur première sommeille encore dans mon cœur ; qu’elle jette en ce moment une dernière flamme ! Si les pierres peuvent reposer sur ton sein, puissé-je devenir une pierre ! Si ton attouchement donne la mort, je veux mourir de tes mains. »

En disant ces mots, il fait un geste violent ; l’autour s’envole, et lui-même il s’élance vers la belle. Elle tend les bras pour l’arrêter, et ne l’en touche que plus vite. Il perd connaissance et le Beau lis sent avec effroi ce charmant fardeau sur sa poitrine. Elle recule en poussant un cri, et le beau jeune homme tombe sans vie de ses bras sur la terre.

Le malheur était accompli. La douce fleur était immobile, et regardait fixement le corps inanimé. Le cœur de la jeune fille ’ semblait avoir cessé de battre, et ses yeux étaient sans larmes.

Vainement Mops cherchait-il à obtenir d’elle une caresse : le monde entier était mort avec son ami ; son muet désespoir ne cherchait aucun secours, elle n’en connaissait aucun.

En revanche, le serpent se donnait beaucoup de mouvement ; il semblait chercher des moyens de salut, et du moins ses mouvements bizarres retardèrent quelque temps les premières horreurs qui devaient suivre cette catastrophe : de son corps souple, il forma un grand cercle autour du cadavre, prit avec ses dents le bout de sa queue, et resta immobile.

Bientôt parut une des belles suivantes du Lis ; elle apportait