Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/578

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verser la place qu’au petit pas. L’aimable dame égayait toutes les haltes par quelque remarque spirituelle.

« Je répète ma leçon d’hier, disait-elle, puisque la nécessité veut mettre notre patience à l’épreuve. »

Et véritablement, la foule pressait de telle sorte les cavaliers, qu’ils ne pouvaient continuer que lentement leur marche. Le peuple contemplait avec joie la jeune dame, et l’on pouvait lire sur tous ces visages épanouis la franche satisfaction de voir que la première femme du pays en était aussi la plus agréable et la plus belle.

On voyait mêlés ensemble des montagnards, qui avaient leurs tranquilles demeures parmi les rochers, les pins et les sapins ; des campagnards, venus des collines, des champs et des prairies ; des artisans de petite ville, enfin des gens de toute sorte. Après avoir promené sur l’ensemble un regard tranquille, la princesse fit observer à son compagnon, que tous ces gens, d’où qu’ils fussent venus, avaient employé pour leurs vêtements plus d’étoffe qu’il n’était nécessaire, plus de drap et de toile, plus de rubans pour les garnitures. On aurait dit que les femmes ne pouvaient assez faire d’étalage et les hommes assez se pavaner.

« Passons-leur cela, dit l’oncle : à quelque objet que l’homme emploie son superflu, il y trouve son plaisir, surtout s’il le consacre à se parer et s’ajuster. »

La princesse fit un signe d’approbation. Peu à peu ils étaient arrivés à une place libre qui menait au faubourg ; là, à la suite des boutiques et des échoppes sans nombre, leurs yeux rencontrèrent une baraque plus grande, d’où ils entendirent aussitôt sortir des rugissements qui déchiraient les oreilles. Apparemment l’heure était arrivée où l’on donnait la pâture aux bêtes sauvages que l’on montrait en spectacle : le lion faisait retentir avec la plus grande force sa voix, terreur des forêts et des solitudes ; les chevaux frémissaient, et l’on dut observer comme le roi du désert s’annonçait terriblement au milieu du mouvement et de la vie paisible du monde civilisé. Arrivés plus près de la baraque, ils ne pouvaient manquer de jeter un coup d’œil sur les peintures colossales qui représentaient, avec des couleurs tranchantes et des formes énergiques, les animaux étran-