Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VII.djvu/591

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— Oui, » dirent-ils avec force, en prenant le ciel à témoin. Le gardien leur fut donné pour guide. Aussitôt le prince prit les devants avec peu de monde ; la princesse avança plus lentement avec le reste de la suite. La mère et l’enfant, conduits par le guide, qui s’était pourvu d’une arme, gravissaient la montagne par des sentiers plus escarpés.

À l’entrée du chemin creux, qui ouvrait l’entrée du château, ils trouvèrent les gardes-chasse qui entassaient des broutilles sèches, afin d’allumer, à tout événement, un grand feu.

« Ce n’est pas nécessaire, dit la femme, tout ira bien sans cela. »

Plus en avant, ils aperçurent Honorio, assis sur un pan de mur, sa double arquebuse sur les genoux : il était là, comme prêt à toute occurrence, mais à peine sembla-t-il remarquer les arrivants ; il paraissait plongé dans de profondes réflexions et jeter autour de lui des regards distraits.

La femme le supplia de ne pas faire allumer le feu ; mais il paraissait faire peu d’attention à ses paroles ; elle l’apostropha vivement et lui cria :

« Beau jeune homme, tu as tué mon tigre : je ne te maudis point ; épargne mon lion, bon jeune homme, et je te bénirai ! »

Honorio regardait fixement devant lui, du côté où le soleil commençait à décliner dans sa carrière.

« Tu regardes vers le couchant, cria la femme; tu fais bien. 11 y a beaucoup à faire de ce côté. Hâte-toi, ne tarde pas : tu vaincras, mais commence par te vaincre toi-même. »

À ces mots, il sembla sourire ; la femme monta plus haut, et ne put s’empêcher de jeter encore un regard en arrière sur celui qu’elle dépassait : un rayon vermeil colorait son visage ; elle croyait n’avoir jamais vu un plus beau jeune homme.

« Si, comme vous en êtes convaincu, dit alors le garde, votre enfant peut attirer et calmer le lion avec sa flûte et son chant, il nous sera très-facile de nous emparer de lui, car le puissant animal s’est couché tout près de la voûte percée par laquelle nous avons pratiqué une entrée dans la cour du château, parce que la porte principale est obstruée. Si l’enfant l’attire dedans, je puis fermer aisément l’ouverture, et l’enfant pourra, s’il le juge convenable, échapper au lion par un des petits escaliers en