Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/132

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Allemand, qui procédait suivant la méthode sévère et savante, et un Français, qui cherchait son avantage par des sauts en avant et en arrière, par des coups légers et rapides, qui étaient toujours accompagnés de quelques cris. Les opinions sur la meilleure méthode étaient partagées : la petite société avec laquelle je devais prendre mes leçons reçut pour maître le Français, et nous sûmes bientôt aller en avant et en arrière, nous fendre et nous retirer, et accompagner ces mouvements des cris d’usage. Beaucoup de nos amis avaient préféré le maître allemand, et faisaient tout le contraire de nous. Ces différentes manières de pratiquer un si important exercice, la conviction de chacun que son maître était le meilleur, divisèrent tout de bon les jeunes écoliers, qui étaient à peu près du même âge, et les leçons d’escrime faillirent amener de sérieux combats ; car on chamaillait presque autant avec la langue qu’on ferraillait avec l’épée. Pour en finir, on arrangea entre les deux maîtres un assaut, dont je n’ai pas besoin de décrire en détail le résultat. L’Allemand resta dans sa position comme une muraille, sut prendre ses avantages, et, avec des battements et des engagements, désarmer coup sur coup son adversaire. Celui-ci soutint que ce n’était pas raison, et, par sa mobilité, continua de tenir l’autre en haleine. Il lui porta bien aussi quelques bottes, mais qui, si le jeu avait été sérieux, l’auraient envoyé lui-même dans l’autre monde. En somme, il n’y eut rien de décidé, et les choses n’en allèrent pas mieux ; seulement quelques écoliers, et je fus de ce nombre, passèrent au compatriote. Mais je tenais déjà trop du premier maître ; il s’écoula quelque temps avant que le nouveau pût m’en désaccoutumer ; d’ailleurs il était, en général, moins content de nous autres renégats que de ses anciens écoliers.

L’équitation alla plus mal encore. Il se trouva que je fus envoyé au manège en automne : ainsi je débutai dans l’humide et froide saison. La manière pédantesque de traiter ce bel art me choqua au dernier point. Il n’était jamais question que d’embrasser, et personne ne pouvait dire en quoi consistait cet embrassement si essentiel, car on ballottait sans étriers sur le cheval. Au reste, l’enseignement semblait n’avoir pour objet que de duper et humilier les élèves. Avait-on oublié de gourmer