Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/173

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déployer, soit pour l’offrir aux regards de cette multitude. Il avait traversé Sachsenhausen, puis le pont, la Fahrgasse, ensuite la Zeile, et il s’avança dans l’intérieur de la ville par la porte Sainte-Catherine, véritable porte autrefois, et, depuis l’agrandissement de la ville, passage ouvert. Heureusement, on avait réfléchi que, depuis une suite d’années, les splendeurs du monde s’étaient toujours plus étendues en hauteur et en largeur. On avait mesuré et trouvé que cette porte, par laquelle tant de princes et d’empereurs étaient entrés et sortis, le carrosse impérial d’aujourd’hui ne pourrait la franchir, sans la heurter de ses sculptures et de ses autres saillies. On délibéra, et, pour éviter un détour incommode, on résolut de dépaver, pour adoucir à la voiture la descente et la montée. Par la même raison, on avait aussi enlevé dans les rues tous les auvents des magasins et des boutiques, afin que ni la couronne, ni l’aigle, ni les génies, n’éprouvassent de choc ou de dommage.

Si vivement que nos yeux se fussent dirigés sur les augustes personnages, quand ce meuble précieux s’approcha de nous avec son précieux contenu, nous ne pûmes nous empêcher de tourner nos regards sur les superbes chevaux, les harnais et leurs ornements de passementerie ; mais le cocher et le postillon, tous deux à cheval, excitèrent surtout notre surprise. Ils semblaient être d’une autre nation, même d’un autre monde, avec leurs longs habits de velours noir et jaune, et leurs bonnets ornés de grands panaches, selon l’usage de la cour impériale. Après cela, tant d’objets se pressèrent ensemble, qu’or, ne pouvait plus distinguer que peu de chose. La garde suisse, aux deux côtés de la voiture, le maréchal héréditaire, tenant haute l’épée saxonne, les feld-maréchaux, à cheval derrière la voiture, comme chefs de la garde impériale, la troupe des pages de l’empereur, et enfin les hallebardiers, en habits flottants de velours noir, galonnés en or sur toutes les coutures, avec des tuniques rouges et des camisoles couleur de cuir, aussi richement chamarrés d’or. Nous étions tellement hors de nous-mêmes, à force de voir, de signaler et de montrer, que les gardes du corps des électeurs, qui n’étaient pas moins superbement vêtus, furent à peine remarqués ; et peut-être même