Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/216

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comme il sollicite le droit du traîneau, il tombe du siège, culbuté, comme de raison, par les génies. La belle prend les guides et s’en va seule chez elle ; un amant favorisé la reçoit et triomphe du présomptueux rival. Le poète avait d’ailleurs très-gentiment imaginé les mauvais tours que les différents génies jouent l’un après l’autre au malheureux, jusqu’au moment où les gnomes l’enlèvent enfin de son siège. Ce poëme, écrit en vers alexandrins, basé sur une histoire véritable, amusa beaucoup notre petit public, et l’on était persuadé que cet ouvrage pouvait soutenir la comparaison avec la Nuit de Walpurgis de Lœven et les Renommistes de Zacharie.

Comme nos plaisirs de société ne demandaient qu’une soirée par semaine, et les préparatifs quelques heures seulement, j’avais assez de temps pour lire, et, comme je croyais, pour étudier. Pour faire plaisir à mon père, je répétais assidûment le Petit Hopp, et je me mis en état d’en rendre bon compte à des examinateurs ; par là je m’appropriai parfaitement le fond des Instituiez. Mais un désir inquiet de savoir m’entraîna plus loin ; je me plongeai dans l’histoire de la littérature ancienne, et, de là, dans un encyclopédisme dans lequel je parcourus l’Isagoge de Gessner et le Polyhistor de Morhof, et me fis une idée générale de la manière dont maintes choses étranges étaient survenues dans la vie et dans la science. Par ces études assidues et précipitées, poursuivies jour et nuit, je me brouillai plus l’esprit que je ne me formai ; mais je me perdis dans un labyrinthe plus grand encore, quand je trouvai Bayle dans la bibliothèque de mon père, et que je m’enfonçai dans cette lecture.

J’étais toujours plus profondément persuadé de l’importance des langues anciennes ; car, du milieu de l’ancien pêle-mêle littéraire, me revenait toujours la pensée qu’on retrouve dans ces langues tous les modèles d’éloquence et tout ce que le monde a jamais possédé d’admirable. L’hébreu et les études bibliques étaient restés en arrière comme le grec, où mes connaissances ne s’étendaient pas au delà du Nouveau Testament. Je ne m’en attachai que plus sérieusement au latin, dont les modèles sont plus près de nous, et qui, à côté d’admirables productions originales, nous offre encore les acquisitions de tous les temps dans des traductions et des ouvrages de savants