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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/222

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nus, seulement en des lieux et dans un ordre nouveau. Je visitai avec beaucoup d’intérêt la place et les boutiques : mais, ce qui fixa principalement mon attention, ce furent les Orientaux avec leurs singuliers costumes, les Russes et les Polonais, mais, avant tout, les Grecs, dont j’allais souvent admirer les remarquables figures et les nobles vêtements.

Cependant ce mouvement si animé passa bientôt, et la ville elle-même s’offrit alors à moi avec ses maisons hautes, belles et pareilles. Elle fit sur moi une très-heureuse impression, et il faut reconnaître qu’elle a, surtout dans la tranquillité du dimanche et des jours de fête, quelque chose d’imposant ; souvent aussi, au clair de lune, les rues, à demi sombres, à demi éclairées, m’invitaient à faire des promenades nocturnes.

Cependant ces nouveaux aspects ne me satisfaisaient pas, après ceux auxquels j’étais accoutumé. Leipzig ne rappelle à l’observateur aucun âge antique ; c’est une époque nouvelle, un passé tout récent, attestant l’activité commerciale, le bien-être, la richesse, qui s’annonce aux regards dans ces édifices. Je trouvai néanmoins tout à fait à mon gré ces maisons, qui me semblaient immenses, et, qui, donnant sur deux rues, renferment toute une population dans leurs vastes cours, entourées oe bâtiments élevés jusqu’au ciel, et ressemblant à de grands châteaux ou même à des quartiers de ville. Je me logeai dans une de ces étranges demeures, à la Boule de Feu, entre le vieux et le nouveau Neumarkt. Le libraire Fleischer occupa pendant la foire deux jolies chambres qui avaient vue sur la cour, assez animée, à cause de l’allée de traverse, et je les eus après lui pour un prix raisonnable. Je me trouvai le voisin d’un étudiant en théologie, qui avait fait des études solides, qui était sage mais pauvre, et souffrait beaucoup des yeux, ce qui lui donnait pour son avenir de grandes inquiétudes. Il s’était attiré ce mal à force de lire jusque dans le plus sombre crépuscule, et même au clair de lune, afin d’épargner un peu d’huile. Notre vieille hôtesse se montrait bienfaisante pour lui, toujours bienveillante pour moi et soigneuse pour tous deux.

Je me hâtai de porter mes lettres de recommandation à M. Bœhme, conseiller de cour, ancien élève de Mascov, et maintenant son successeur, comme professeur d’histoire et de