Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/379

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Il tient d’ordinaire à la condition la plus innocente qui se puisse concevoir sur la terre, à la condition du laboureur, par ses occupations comme par ses rapports de famille ; il est père, chef de famille, campagnard, et, par conséquent, membre complet de la communauté. Sur cette base terrestre, belle et pure, repose sa vocation sublime ; à lui le soin d’introduire les hommes dans la vie, de pourvoir à leur éducation spirituelle, de les bénir à toutes les époques principales de leur existence, de les instruire, les fortifier, les consoler, et, quand la consolation ne suffit pas pour le présent, d’évoquer et de garantir l’espérance d’un plus heureux avenir. Que l’on se représente un homme pareil, avec des sentiments véritablement humains, assez fort pour ne s’écarter de ses principes en aucune circonstance, et, par là même, déjà élevé au-dessus de la foule, dont on ne peut attendre ni pureté ni fermeté ; qu’on lui attribue les connaissances nécessaires pour son office, ainsi qu’une activité égale et sereine, qui est même passionnée, en ce qu’elle ne néglige à aucun moment de faire le bien, et nous l’aurons déjà doté richement. Mais qu’on y ajoute la modération nécessaire pour qu’il soit disposé à rester dans une petite sphère et même, au besoin, à passer dans une plus petite encore ; qu’on lui accorde la bonhomie, la douceur, la fermeté, et tous les mérites qui naissent d’un caractère prononcé, et, par-dessus tout cela, une condescendance sereine et une riante indulgence pour ses défauts propres et pour ceux d’autrui, et l’on aura le portrait assez complet de notre excellent vicaire de Wakefield.

La peinture de ce caractère, dans le cours de sa vie, avec ses plaisirs et ses douleurs, l’intérêt de la fable, toujours croissant par l’alliance du naturel parfait avec l’étrange et l’extraordinaire, font de ce roman l’un des meilleurs qu’on ait jamais écrits. Il a de plus le grand avantage d’être tout à fait moral et même véritablement chrétien ; il montre la bonne volonté et la persévérance dans le bien récompensée ; il fortifie la confiance absolue en Dieu ; il atteste le triomphe définitif du bien sur le mal, et, tout cela, sans aucune trace de bigoterie ou de pédantisme. L’auteur avait été préservé de l’un et de l’autre par son grand sens, qui se montre partout sous la forme de l’ironie, et nous fait juger ce petit ouvrage aussi sage qu’agréable. L’au-