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TROISIÈME PARTIE.


On a pourvu à ce que les arbres ne s’élèvent pas jusqu’au ciel.


LIVRE XI.


Après que j’eus achevé dans ce berceau mon conte, où l’ordinaire alternait assez agréablement avec l’impossible, je vis mes auditrices, qui m’avaient paru y prendre jusque-là un intérêt tout particulier, enchantées au plus haut point de mon singulier récit. Elles me prièrent instamment de leur écrire ce conte, afin de pouvoir le relire souvent entre elles et de le lire à d’autres. Je le promis d’autant plus volontiers que j’espérais m’assurer par là un prétexte à répéter ma visite et l’occasion de faire plus intime connaissance. La société se sépara un moment, et chacun sentait, je crois, qu’après une journée si vive, la soirée pourrait être un peu languissante. Mon ami m’ôta ce souci en demandant pour nous la permission de prendre congé sur-le-champ : comme étudiant appliqué et régulier, il désirait passer la nuit à Drousenheim, et se trouver le lendemain de bonne heure à Strasbourg.

Nous gagnâmes notre gîte en silence ; moi, parce que je me sentais dans le cœur un hameçon qui me tirait en arrière, lui, parce qu’il avait dans l’esprit une autre idée, dont il me fit part dès notre arrivée. « C’est singulier, dit-il, que tu sois justement tombé sur ce conte ! As-tu remarqué qu’il faisait une impression toute particulière ? — Sans doute ! Comment n’aurais-je pas remarqué qu’à certains endroits, l’aînée riait plus que de raison, que la cadette secouait la tête, que vous vous adressiez des regards significatifs, et que tu semblais prêt à perdre contenance ? J’avoue que j’ai failli en être déconcerté,