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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/443

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gracieuses et colossales, ma foi à l’architecture du Nord fut un peu ébranlée.

Ce grand spectacle offert à ma première jeunesse, et dont je ressentis l’influence toute ma vie, eut cependant peu de conséquences pour le temps qui suivit d’abord. Je voudrais avoir commencé un livre avec cet exposé au lieu de le finir. Car, à peine la porte de la salle magnifique se fut-elle fermée derrière moi, que j’aspirai à me retrouver moi-même ; je cherchai même à éloigner de mon imagination ces figures, comme importunes, et ce fut seulement par un long détour que je revins plus tard à ce domaine. Elle est cependant inestimable, la fécondité secrète de ces impressions que l’on reçoit avec jouissance, sans que le jugement les disperse. La jeunesse est capable de ce suprême avantage, si elle veut ne pas être critique, et, sans recherche, sans analyse, laisser le bon et l’excellent agir sur elle.




LIVRE XII.

Le voyageur était enfin revenu dans ses foyers, mieux portant et plus joyeux que la première fois ; mais on remarquait pourtant dans sa manière d’être une certaine exaltation, qui n’annonçait pas une parfaite santé morale. Dès l’abord, ma mère dut s’occuper de chercher, pour les incidents qui survenaient, certains tempéraments entre la sage régularité de mon père et mes nombreuses excentricités. À Mayence, un jeune garçon, joueur de harpe, m’avait tellement plu, que je lui avais proposé de venir à Francfort, la foire étant près de s’ouvrir ; je lui avais promis de le loger et de lui être utile. Dans cette occasion se produisit de nouveau cette singularité, qui m’a coûté si cher dans le cours de ma vie, je veux dire mon penchant a m’entourer de jeunes êtres et à me les attacher, d’où il résulte à la fin que je suis chargé de leur sort. Une suite d’expériences fâcheuses n’a pu changer mon inclination naturelle, qui, malgré les raisons les plus claires, menace encore aujourd’hui de