Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/484

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sages auxquels je me reconnais trouveront peut-être leur place avec d’autres écrits.

Dans cet échange si vif de connaissances, d’opinions et de convictions, j’appris bientôt à connaître Hcepfner intimement et à l’aimer. Aussitôt que nous étions seuls, je le mettais sur les objets de ses études, qui devaient être aussi les miennes, et j’en retirais, dans un enchaînement très-naturel, des lumières et des connaissances. Je n’avais pas encore clairement reconnu que je pouvais fort bien puiser l’instruction dans les livres et les conversations, mais non dans les leçons suivies. Le livre me permettait de m’arrêter sur un endroit, de revenir même en arrière, ce que l’exposition orale et le professeur ne pouvaient me permettre. Quelquefois, au début de la leçon, j’étais saisi d’une pensée, à laquelle je m’attachais et qui me faisait perdre la suivante et toute la liaison. C’est aussi ce qui m’était arrivé aux cours de droit, et c’est pourquoi je saisissais toutes les occasions de m’entretenir avec Hœpfner, qui entrait volontiers dans mes doutes et mes incertitudes et comblait bien des lacunes. Cela me fit concevoir le désir de rester à Giessen auprès de lui, pour m’instruire dans son commerce sans trop m’éloigner de Wetzlar et de mes affections. Mes deux amis s’opposèrent à mes désirs, d’abord sans le savoir, et ensuite avec connaissance de cause ; car ils avaient hâte de partir l’un et l’autre, et de plus ils étaient intéressés à me faire quitter ce lieu.

Schlosser me découvrit qu’il aimait ma sœur, qu’il en était aimé, et qu’il n’attendait qu’une position qui lui permît de s’unir avec elle. Cette déclaration me surprit un peu, et pourtant les lettres de ma sœur auraient dû me la faire deviner depuis longtemps. Mais nous passons légèrement sur ce qui pourrait offenser la bonne opinion que nous avons de nous-mêmes, et je m’aperçus enfin que j’étais réellement jaloux de ma sœur : sentiment que je me dissimulai d’autant moins, que, depuis mon retour de Strasbourg, notre liaison était devenue toujours plus intime. Combien de temps avions-nous passé à nous confier mutuellement nos petites affaires d’amour et tout ce qui nous était arrivé pendant l’intervalle ! Et ne s’était-il pas ouvert à moi, dans le champ de l’imagination, un nouveau monde, où je devais aussi l’introduire ? Mes petites compositions, une poésie