Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/64

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rire, comme il arrive dans les affaires d’enfants, fut pourtant cause que ces leçons en commun devinrent plus rares, et cessèrent enfin tout à fait. Je fus donc, comme auparavant, confiné davantage à la maison, où je trouvais dans ma sœur Cornélie, plus jeune que moi d’une année seulement, une compagne toujours plus agréable.

Je ne veux pourtant pas quitter ce sujet sans rapporter encore quelques traits des nombreux désagréments que j’essuyai de mes camarades. Car l’utilité de ces confessions morales est précisément qu’un homme apprenne ce qui est arrivé aux autres et ce qu’il peut lui-même attendre de la vie ; et qu’il se persuade, quoi qu’il puisse survenir, que cela lui arrive comme à une créature humaine, et non comme à un être particulièrement heureux ou malheureux. Si cette connaissance n’est guère utile pour éviter les maux, il est du moins très-avantageux que nous apprenions à nous faire aux circonstances, à les souffrir et même à les surmonter.

Encore une observation générale, qui est ici tout à fait à sa place, c’est que les enfants de condition honnête voient, à mesure qu’ils grandissent, se manifester une frappante contradiction. Leurs parents et leurs maîtres les exhortent et les forment à se conduire avec mesure, avec prudence, même avec sagesse, à n’offenser personne par malice ou par orgueil, à étouffer tous les mouvemens condamnables qui pourraient se développer en eux, et, en revanche, tandis que ces jeunes êtres s’appliquent à faire ces efforts, ils ont à souffrir des autres ce, qu’on blâme et qu’on punit chez eux sévèrement. Par là, les pauvres enfants se trouvent misérablement à la gêne entre l’état de nature et la civilisation, et, selon les caractères, deviennent malicieux ou violents et emportés, après s’être contenus quelque temps.

On repousse la force par la force ; mais un enfant bien né, disposé aux sentiments affectueux, est presque sans armes contre la moquerie et la méchanceté. Si je savais assez bien repousser les voies de fait, je n’étais nullement en mesure de lutter avec mes camarades pour le persiflage et les mauvais propos, parce qu’en pareil cas celui qui se défend a toujours le désavantage. Aussi les attaques de ce genre, quand elles exci-