Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/107

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très-malmené, menacé, et on lui ordonna de courir après son cheval.

Comme on avait résolu de se reposer le 5 dans le pays, nous fûmes logés à Sivry. Après tant de souffrances, nous trouvâmes délicieuse la vie domestique, et nous pûmes encore observer, pour nous amuser et nous distraire, le caractère homérique et pastoral des maisons champêtres de France. On n’entrait pas immédiatement de la rue dans la maison : on se trouvait d’abord dans un petit espace ouvert, carré, tel que la porte elle-même le donnait ; de là on arrivait par la véritable porte de la maison dans une chambre spacieuse, haute, destinée à la famille ; elle était carrelée de briques ; à gauche, contre la longue muraille, un foyer adossé au mur et reposant sur la terre ; le conduit qui absorbait la fumée se déployait au-dessus. Après avoir salué les hôtes, on s’avançait avec plaisir dans ce lieu où l’on voyait que la place de chacun était réglée fixement. A droite, près du feu, un haut coffret à couvercle, qui servait aussi de siége. Il renfermait le sel, dont la provision devait être gardée dans un lieu sec. C’était la place d’honneur, qu’on offrait d’abord à l’étranger le plus marquant ; les autres arrivants s’asseyaient sur des siéges de bois avec les gens de la maison. Pour la première fois je pus observer là exactement le pot-aufeu national. Une grande marmite de fer était suspendue à un crochet, qu’on pouvait élever et abaisser au moyen d’une endenture ; dans la marmite se trouvait déjà une bonne pièce de bœuf avec l’eau et le sel. On y ajouta des carottes, des navets, des poireaux, des choux et d’autres légumes.

Tandis que nous nous entretenions amicalement avec ces bonnes gens, j’observais l’heureuse disposition du dressoir, de l’évier, des tablettes, où étaient rangés les pots et les assiettes. Tout cela occupait l’espace allongé que le carré de l’avant-cour ouverte laissait de côté intérieurement. Tous les ustensiles étaient brillants de propreté et rangés en bon ordre ; une servante ou une sœur de la maison soignait tout parfaitement. La mère de famille était assise près du feu, tenant un petit garçon sur ses genoux : deux petites filles se pressaient contre elle. On mit la table, on posa dessus une grande écuelle de terre, dans laquelle on jeta du pain blanc coupé en petites tranches ; le