Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/163

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per, on parlait avec honneur des bourgeois de Francfort ; ils s’étaient montrés, disait-on, comme de braves gens avec Custine ; leurs actes et leurs sentiments formaient un parfait contraste avec la manière inouïe dont les Mayençais s’étaient conduits et se conduisaient encore. Mme de Coudenhoven, avec l’enthousiasme qui lui allait fort bien, s’écria qu’elle donnerait beaucoup pour être bourgeoise de Francfort. Je répliquai que la chose était facile ; je savais un moyen, mais je voulais en garder le secret. On me pressa si vivement que je finis par m’expliquer. L’aimable dame n’avait qu’à m’épouser : elle serait transformée à l’instant même en bourgeoise de Francfort. Cette boutade fit rire tout le monde.

Et que ne disait-on pas ? La conversation était un jour sur la malheureuse campagne, particulièrement sur la canonnade de Valmy. M. de Grimin assura qu’on avait parlé à la table du Roi de ma singulière promenade dans le feu de l’artillerie. On l’avait connue, selon toute vraisemblance, par les officiers que j’avais rencontrés. La conclusion fut qu’il ne fallait pas s’en étonner ; qu’on pouvait tout attendre d’un homme singulier.

Un habile médecin, homme d’esprit, vint prendre part à nos demi-saturnales, et je ne pensais pas, dans mon outrecuidance, avoir sitôt besoin de lui. Aussi se prit-il ;’i rire aux éclats et à se moquer de moi, quand il me trouva au lit, où me tenait presque immobile un violent rhumatisme. Il employa le camphre, qui était alors comme un remède universel. Je ne sais ce qu’il en faut penser, mais je fus guéri en quelques jours.

Cependant l’ennui causé par la souffrance me suggéra bien des réflexions : la faiblesse que l’on contracte à garder le lit, me fit juger ma position dangereuse. Les progrès des Français’dans les Pays-Bas étaient considérables et grossis par la renommée ; chaque jour et à chaque heure, on annonçait l’arrivée de nouveaux émigrés. Je m’étais arrêté assez longtemps à Pempalfort et, si la famille ne s’était montrée cordialement hospitalière, chacun aurait dû se croire importun. Mon séjour ne s’était d’ailleurs prolongé que par une circonstance accidentelle : j’attendais d’heure en heure ma chaise, que j’aurais voulu ne pas laisser en arrière. Elle était arrivée de Trêves à Coblenz, elle devait m’être bientôt expédiée de cette ville, mais, comme elle