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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/174

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intention, je crus ma conscience déchargée ; je me crus dégagé de toute obligation envers mon correspondant.

Il était déjà tard, je refusai d’entendre la seconde lettre, et, comme il m’invitait au nom de ses parents à dîner le lendemain, je dis que je lui rendrais réponse le matin. Notre séparation fut amicale et paisible. Sorti de la maison, je trouvai le ciel étincelant d’étoiles, les rues et les places couvertes de neige ; je m’arrêtai sur un petit pont pour contempler cette nuit d’hiver. Je réfléchis en même temps à mon aventure, et je me sentis fermement résolu à ne pas revoir ce jeune homme. J’ordonnai que mon cheval fût prêt au point du jour, et je remis au garçon d’auberge un petit billet d’excuse écrit au crayon, en lui disant beaucoup de choses bonnes et vraies sur le compte du jeune homme qu’il m’avait fait connaître ; et sans doute mon adroit commissionnaire se sera fait un plaisir d’en tirer parti.

Je poursuivis ensuite ma course sur le versant nord-est du Harz, par un temps affreux de neige, et, après avoir visité et soigneusement observé le Rammelsberg, les forges de laiton, ainsi que les autres établissements de ce genre, je me rendis à Goslar1.

Je ne saurais dire combien il s’était passé de temps sans qu’il me fût venu d’autres nouvelles de ce jeune homme, lorsque je reçus à l’improviste, dans mon Gartenhaus à Weimar, un billet-par lequel il m’annonçait sa visite. Je lui répondis en quelques mots qu’il serait le bienvenu. Je m’attendais aune scène de reconnaissance, mais il se présenta fort tranquillement et me dit : « Je ne suis pas surpris de vous trouver ici, car l’écriture de votre billet m’a rappelé parfaitement les lignes que vous me laissâtes en partant de Wernigerode, en sorte que je n’ai pas douté un moment de retrouver ici le mystérieux voyageur. »

Ce début était de bon augure, et il s’établit entre nous une conversation familière, où il s’efforça de me développer sa situation. De mon côté, je ne lui cachai pas ma manière de penser. Je ne saurais plus dire à quel point son état moral s’était amélioré, mais il devait être passable, puisque, après plusieurs entretiens, nous nous séparâmes en très-bons termes :


1. Ville du Hanoue, siège de l’administration des mines du Harz.