Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/182

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et un très-petit espace suffit à ces trésors aisément transportables.

On se fit des adieux pleins d’amitié, mais sans se quitter encore : la princesse m’annonça qu’elle voulait m’accompagner jusqu’à la première station ; elle prit place à côté de moi dans ma voiture ; la sienne suivait. La conversation se reporta sur les points essentiels de la vie et de la doctrine ; je répétai doucement et paisiblement mon credo ordinaire ; elle persista dans le sien ; puis chacun s’en alla chez soi, et elle m’exprima le vœu de me revoir ici-bas ou là-haut.

Cette formule d’adieux de pieux et bienveillants catholiques ne m’était ni étrangère ni désagréable ; elle m’avait été souvent adressée aux eaux par des connaissances passagères, et souvent aussi par des prêtres, mes amis, et je ne vois pas pourquoi je saurais mauvais gré à. toute personne qui souhaite de m’attirer da ns sa sphère, la seule ou, selon sa conviction, on peut vivre et mourir tranquille, dans l’espérance d’une éternelle félicité.

Weimar, depuis décembre 1792 jusqu’en avril 1793.

Les soins et les recommandations de ma noble amie avaient disposé le maître de poste à me servir promptement, et, de plus, je fus annoncé et recommandé par circulaire, ce qui était agréable et nécessaire au plus haut point ; car j’avais oublié dans les charmants et paisibles entretiens de l’amitié que des flots de fuyards se précipitaient derrière moi § et, par malheur, je trouvai en chemin la troupe des émigrés, qui s’enfonça:ent toujours plus dans l’Allemagne, et pour lesquels les postillons n’étaient pas mieux disposés qu’aux bords du Rhin. Bien souvent, point de chemin battu : on courait deçi et delà, on se rencontrait, on se croisait. Bruyères et broussailles, tronçons de racines, sables, joncs et marécages : l’un aussi incommode, aussi triste que l’autre. On n’en sortait pas sans mauvaise humeur.

Une voiture se trouve arrêtée : Paul s’élance à terre et court à l’aide. 11 imagine que les belles Françaises, qu’il a retrouvées à Dusseldorf dans la position la plus triste, ont de nouveau besoin de son assistance. La dame n’avait pas retrouvé son mari,