Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/183

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et, dans son angoisse, entraînée par le désastreux tourbillon, elle s’était vue enfin jetée de l’autre côté du Rhin. Cependant ce ne fut pas elle qui nous apparut dans ce désert : quelques vieilles et respectables dames réclamaient noire secours. Mais, quand nous voulûmes obliger le postillon de s’arrêter et de venir avec ses chevaux au secours de cette voiture, il s’y refusa arrogamment, et nous dit de songer sérieusement à la nôtre, assez chargée d’or et d’argent, et qui pourrait bien rester en chemin ou verser. Il avait pour nous les meilleures intentions, mais il ne resterait à aucun prix dans ce désert. Heureusement, pour tranquilliser notre conscience, une troupe de paysans westphaliens s’était rassemblée autour de la voiture, et nn pourboire les décida à la remettre au lion chemin.

Pour notre voiture, c’était le fer seulement qui la rendait si pesante, et le précieux trésor que nous emportions était assez léger pour n’être pas remarqué dans la chaise la plus légère. Que je regrettais la mienne ! La supposition que celle-ci renfermait de grandes richesses me donnait une certaine inquiétude. Nous avions observé qu’un postillon ne manquait jamais de signaler à l’autre l’excessive pesanteur de notre équipage et ses soupçons d’argent et d’effets précieux. Annoncés d’avance par la circulaire, et n’arrivant pas juste à l’heure, a cause des mauvais chemins, nous étions poussés en avant à chaque station et jetés véritablement dans la nuit, tant qu’à, la fin la circonstance inquiétante se présenta, où le postillon, dans les ténèbres, jura qu’il ne pouvait mener la barque plus loin et s’arrêta devant une maison forestière., isolée, dont la situation, l’architecture et les habitants auraient fait frissonner, même à la clarté d’un soleil magnifique. Les jours les plus nébuleux avaient au contraire leur charme : on évoquait le souvenir de ses amis, chez qui l’on avait trouvé l’intimité si douce ; on les passait en revue avec amour et respect ; on s’instruisait à leurs particularités ; on s’édifiait à leurs vertus. Mais, quand la nuit était revenue, on se sentait de nouveau assiégé de mille inquiétudes. Cependant, si sombres que fussent nos pensées dans la dernière et la plus ténébreuse des nuits, elles devinrent tout à coup sereines, quand j’entrai dans la ville de Cassel, éclairée par des centaines de réverbères. A cet aspect, se développèrent dans ma