Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/199

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se heurtant les unes contre les autres, faisait-il de temps en temps deviner un mouvement voisin. Il est difficile d’imaginer une apparition plus étrange et plus fantastique : à peine aperçue, elle se répétait toujours, sans être jamais vue plus distinctement. Nous restâmes en place jusqu’à ce qu’ils fussent passés, car, du lieu où nous étions, nous pouvions du moins apercevoir l’endroit où ils devaient opérer et travailler dans l’ombre. Comme ces entreprises risquent toujours d’être dénoncées à l’ennemi, nous pouvions présumer qu’on tirerait des remparts vers ce côté-là, fût-ce à l’aventure. Mais nous ne restâmes pas longtemps dans l’attente, car, à la place même où la tranchée devait être ouverte, éclata tout à coup une fusillade, inconcevable pour nous tous. Les Français s’étaient-ils glissés hors de la ville et avancés jusqu’à nos avant-postes ou même au delà ? Nous ne pouvions le comprendre. Le feu cessa, et tout retomba dans le plus profond silence. La chose ne nous fut éclaircie que le lendemain. Nos avant-postes eux-mêmes avaient fait feu contre.la colonne qui s’avançait sans bruit, la prenant pour une troupe ennemie. Les autres furent surpris, ils se troublèrent, chacun jeta loin sa fascine ; on ne sauva que les pelles et les pioches. Les Français, rendus attentifs sur les remparts, se tinrent sur leurs gardes ; on revint sans avoir rien fait, et toute l’armée des assiégeants fut consternée.

Cette malheureuse tentative ayant amené une discussion entre les hommes compétents, ils reconnurent qu’on ne s’était pas encore assez approché de la forteresse. On résolut de porter plus avant la troisième parallèle, et de tirer par là de cet echec un avantage décidé. On se mit à l’œuvre et l’on réussit à souhait.

Le 24 juin, les Français et les clubistes, voyant leur position critique, et voulant arrêter le progrès de la disette, firent impitoyablement" sortir de la ville, et acheminèrent vers Caste], les vieillards, les malades, les femmes et les enfants, qu’avec la même cruauté nous repoussâmes vers la ville. La détresse de ces personnes sans armes et sans appui, foulées entre les assiégeants et les assiégés, surpassait toute, imagination.

Le bombardement commença le 27 juin, et le doyenné fut d’abord embrasé. Dans la nuit du 28, le bombardement continua. La tour et le toit de la cathédrale devinrent la proie des