Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/23

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En 1817, un comédien ambulant, nommé Karsten, offrait à l’admiration des villes de l’Europe le barbet que Paris avait vu figurer avec tant de succès dans le Chien de Montargis. Le duc était grand amateur de chevaux et de chiens, et il fut aisé de lui inspirer le désir de voir la gentillesse du caniche. Quand son ministre fut informé que cet artiste d’un nouveau genre était appelé à Weimar, il invoqua l’article du règlement qui interdisait la scène aux animaux. On persuada au prince que son favori y mettait de l’entêtement. Le chien fut amené en secret. Le jour de la répétition, Goethe écrivit au duc qu’ayant toujours considéré le théâtre comme un sanctuaire, il lui demandait la permission de ne pas assister k la représentation et de se regarder comme congédié ; puis il se rendit à léna. Le duc, un moment irrité, accepta la démission. Le procédé était dur, mais irréfléchi. Cependant Goethe sentit le coup profondément. « Charles-Auguste ne m’a jamais compris, » s’écria-t-il avec amertume. Un pareil affront, à lui, l’homme illustre ! Et l’essuyer de son ami ! d’un prince qui, pendant quarante années, avait été pour lui un frère plutôt qu’un souverain, et qui avait déclaré qu’il voulait reposer dans le même tombeau ! Et tout cela pour un caniche 1 par l’intrigue d’une comédienne ! Il eut l’idée de quitter Weimar et d’accepter les offres brillantes qu’on lui faisait de Vienne.

Mais le prince ne tarda pas à regretter une mesure précipitée. Il se hâta d’écrire à Goethe une lettre amicale. Le nuage se dissipa ; cependant aucune prière ne put décider le porte à reprendre la direction d’un théâtre qui s’était abaissé jusqu’à produire un barbet sur la scène. Qui l’aurait dit, qu’un directeur tel que Goethe se retirerait devant un pareil ennemi ?

Nous avons décrit avec quelque détail la maison du Frauenplan ; on aimera sans doute à connaître aussi les habitudes du maître, et la manière dont il remplissait sa journée. Il se levait à sept heures, et souvent même plus matin, après un long et profond sommeil, et il travaillait assidûment jusqu’à onze heures. 11 prenait alors une tasse de chocolat. ej^Jravaillait encore jusqu’à une heure. Il dînait à deux. Il était gros mangeur et très-friand de pouddings, de gâteaux, de mets sucrés. Il lie dînait jamais seul, et il aimait à prolonger le repas en causant et buvant. Car il aimait le vin, et il le fait assez entendre, à la manière dont il en parle souvent.

Laudibus arguitur vini vinosus Ilomenis. Hâtons-nous d’ajouter qu’il ne cherchait dans le vin qu’une gaieté