Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

légère et ne tombait nullement dans l’excès. Du reste, sa table était fort simple : aucun dessert, pas même le café.

Toute sa vie domestique était d’ailleurs d’une grande simplicité. Les bougies étaient fort en usage, cependant on ne voyait sur sa table que deux chandelles.

Le soir, il allait souvent au spectacle, et, à six heures, il prenait régulièrement eon verre de punch. S’il n’allait pas au théâtre, il recevait chez lui quelques amis. Entre huit et neuf, on servait un simple souper, mais il ne prenait lui-même qu’un peu de salade ou de confitures. Il se couchait régulièrement à dix heures.

Il recevait beaucoup de visites. On venait à Weimar pour le voir. On n’y passait pas accidentellement sans exprimer le désir de lui être présenté. Il en était souvent fatigué. Mais, quand la visite lui était agréable, il se montrait d’une amabilité extraordinaire. En revanche, les importuns le trouvaient froid et réservé. De là les jugements si divers qu’on a portés sur son compte. Burger voulut le traiter d’égal à égal, avec une brusquerie de mauvais goût, et il ne dut pas être satisfait de la manière dont il fut accueilli. JeanPaul Richter se comporta mieux et fut bien plus content. En général, quiconque avait à lui dire des choses intéressantes pouvait compter sur sa sympathie. Et quant à la sûreté de son commerce avec ses amis et ses familiers, on ne saurait la révoquer en doute. Il souffrit longtemps sans se rebuter l’humeur quelquefois acariâtre de Herder. Il fut pour Schiller comme un frère. Il soutint et encouragea Hegel à ses débuts. Henri Voss, le fils du grand poète, vint à Weimar en 1804, et il y vécut dans l’intimité de Schiller et de Goethe. Ses lettres, publiées plus tard, sont un vivant et touchant témoignage des qualites aimables de ces deux grands hommes. Goethe traita Henri Voss comme un fils, et ce jeune homme eut pour lui l’attachement le plus tendre1.

Il admire d’abord la profondeur et la clarté de cet esprit merveilleux, de ce philosophe éminemment populaire, qui, sur les sujets les plus futiles, parle au cœur le langage de la véritable sagesse. Rien n’échappe à sou attention. Il répand sur tout l’esprit et la vie, et l’on admire comme il sait tirer de la plus chétive matière des développements sublimes. Quand il s’anime, il presse le pas, ou, si une idée le saisit, il s’arrête, un pied devant l’autre, le corps penché en arrière. Etre assis à table devant lui, arrêter le regard


1. Henri Voss, qui annonçait les plus heureuses dispositions poétiques, est uijrt à la fleur de l’âge.