Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

puisse être, serait cependant demeurée stérile, si le pieux jeune homme n’avait pas aimé sou prochain comme lui-même et plus que lui-même. En effet, quoique sa confiance dans les dispensations de Dieu l’eût porté à distribuer son bien aux pauvres pour se rendre dans la Terre Sainte en pieux pèlerin, il se laissa pourtant détourner en chemin de cette louable résolution. La grande détresse dans laquelle il trouve ses frères lui fait un devoir absolu d’assister les malades les plus dangereux, sans songer à lui-même. Il suit sa vocation dans plusieurs villes, jusqu’à ce qu’enfin, saisi à son lour par le mal furieux, il se trouve hors d’état de secourir son prochain. Ces dangereux travaux l’ont approché de Dieu une seconde fois : car, de même que Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique pour le sauver, saint Roch s’est sacrifié lui-même pour ses semblables. »

L’attention à chaque parole était grande ; les auditeurs étaient à perte de vue. Tous les pèlerins venus isolément et toutes les processions des paroisses étaient là rassemblés, après avoir appuyé contre l’église, à la gauche du prédicateur, leurs éten. dards et leurs bannières, ce qui n’était pas une décoration à dédaigner. Mais on aimait à voir dans une petite cour latérale, entr’ouverte du côté de l’assemblée, toutes les images, dressées sur des supports et maintenant leurs droits, comme étant les auditeurs les plus considérables.

Trois images de la Mère de Dieu, de diverse grandeur, brillaient, toutes neuves, aux rayons du soleil. Les longs rubans roses flottaient gaiement au souffle d’un vif courant d’air. L’enfant Jésus, vêtu de drap d’or, était là, toujours gracieux. Saint lloch, plus d’une fois répété, contemplait paisiblement sa fête, sous ses habits de velours noir.

Le prédicateur passa au troisième point et dit à peu près ces paroles :

« Mais ces importants et pénibles travaux n’auraient pas eu de suites bénies, si saint Roch avait attendu pour de si grands sacrifices une récompense terrestre. Ces actions saintes, Dieu seul peut les récompenser, et cela dans l’éternité. L’espace du temps est trop court pour une rétribution infinie. Aussi l’Eternel a-t-il favorisé notre saint homme pour tous les temps, et lui a-t-il accordé la suprême félicité de pouvoir à jamais se-