Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/320

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plus heureusement les mêmes relations. J’ai vu des hommes sages courir quelque temps après ce feu follet.

Nous passions avec lui la plus grande partie du jour, et, le soir, il nous servait dans la porcelaine de Chine et la vaisselle d’argent de gras laitage de brebis, qu’il estimait et recommandait comme extrêmement salutaire. Était-on parvenu à prendre un peu de goût à cette nourriture inaccoutumée, on finissait en effet par la trouver agréable, et l’on pouvait aussi la juger fort saine.

Nous vîmes encore ses autres collections, à l’heureuse formation desquelles les connaissances historiques avaient suffi, sans que le goût fût nécessaire. Les monnaies d’or des empereurs romains et de leurs familles étaient des plus complètes. Il avait de belles monnaies d’argent des villes grecques. Il ne manquait ni de nobles à la rose, ni de vieilles monnaies papales, ni de bractéates, ni de décevantes empreintes satiriques, ni d’aucune des raretés remarquables qu’on pouvait s’attendre a voir dans une si nombreuse et si ancienne collection. Il faut d’ailleurs convenir qu’il était connaisseur dans cette branche. Il avait publié autrefois un petit traité sur les moyens de distinguer les monnaies vraies et fausses.

Malgré tout le temps qu’il nous donnait, il se livrait avec activité à sa pratique médicale: tantôt il revenait de bon matin de la campagne, où il avait accouché une paysanne ; tantôt il sortait de consultations diverses, qui l’avaient occupé ou retenu. Pour être nuit et jour en état de vaquer à ses fonctions avec la dignité convenable, il apportait un soin particulier à sa coiffure : il se faisait, disait-il, friser tous les soirs, et se couchait, les cheveux soigneusement bandés, et, à quelque moment qu’il fût appelé, il se présentait toujours aussi décemment que s’il avait dû paraître dans une compagnie.

Jusque-là il nous avait fait grâce des choses incroyables. Mais enfin il ne put s’abstenir toute fait de nous débiter ses légendes. Dans un excellent repas qu’il nous donna, nous ne pûmes nous empêcher d’admirer un beau plat d’écrevisses, d’une grosseur remarquable pour un pays si pauvre en eaux courantes. Sur quoi il nous assura que son réservoir ne manquait jamais do cette provision. Il était si redevable à ces crustacés, il en croyait