Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/341

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quelques-uns de ces officiers déguisés, et ce coslume remarquable annonçait d’abord un Prussien.

Personne ne savait l’arrivée de mon fils. J’étais avec Mlle de Lestocq devant la salle saxonne. Il passe devant nous et nous salue. Elle me prend à part et me dit avec vivacité : « C’est un ofiicier prussien, et, ce qui m’effraye, c’est qu’il ressemble beaucoup à mon frère.—Je vais l’appeler.lui répliquai-je, nous l’examinerons. » J’étais déjà loin quand elle me cria : « Au nom de Dieu, ne faites point de folie !» Je le ramène, je le présente et lui dis : « Monsieur, cette dame désire quelques explications. Veuillez nous djre d’où vous venez et qui vous êtes. » Les deux jeunes gens étaient aussi embarrassés l’un que l’autre. Comme mon fils gardait le silence, ne sachant ce que cela voulait dire, et que la demoiselle, également silencieuse, paraissait méditer une retraite honnête, je pris la parole, et, d’un ton badin, je lui dis : « Ce jeune homme est mon fils, et nous devons nous féliciter qu’il ressemble un peu à monsieur votre frère. » D’abord elle ne voulut pas me croire, puis elle douta, puis elle fut convaincue.

L’autre aventure ne fut pas aussi gaie. Nous étions arrivés au mois de septembre, saison dans laquelle les Polonais se réunissent en plus grand nombre aux eaux de Carlsbad. Ils avaient dès longtemps pour les Prussiens une haine très-forte, et, après les derniers malheurs, cette haine s’était changée en mépris. Ils crurent reconnaître un Prussien sous la polonaise. Auguste se promenait sur la place : quatre Polonais le rencontrent ; un d’entre eux se détache des autres, va droit à lui, le regarde fixement et rejoint ses camarades. Mon fils manœuvre de manière à les rencontrer encore, s’avance, les coupe, leur dit en deux mots son nom et son adresse, et les prévient qu’il part le lendemain matin : qui aurait affaire à lui pouvait lui parler ce soir. Nous passâmes la soirée sans être inquiétés, et nous partîmes en eiïet le lendemain. Il semble qu’à la manière d’une pièce anglaise, cette comédie en plusieurs actes ne pouvait finir sans une affaire d’honneur.

A mon retour de Carlsbad, nos chanteurs rne donnèrent une sérénade, où je pus reconnaître à la fois leur affection, leur bonne volonté et leurs progrès dans l’art musical. L’administra-