Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/37

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Les critiques ne lui manquèrent pas en Allemagne ; il semblait quelquefois que ses compatriotes fussent lassés de l’admirer mais ta renommée s’étendait au dehors de plus en plus, en Angleterre, en France, en Italie. L’intérêt sympathique qu’il témoignait pour les productions étrangères lui attirait l’affection d’hommes tels que Manzoni, Walter Scott, Byron, Carlyle, Stapfer, Ampère, Cousin, Sorel…. Daps leur commerce, son esprit s’élevait à l’idée d’une littérature universelle, qui rapprocherait les nations, et les unirait par le lien commun d’une haute culture intellectuelle. Grande et généreuse conception, qui pourra bien se réaliser un jour, et qu’il aura préparée par ses ouvrages, comme il l’a appelée par ses vœux.

Cette idée atteste dans un vieillard une rare puissance de vie. Mais Goethe était-il vieux’/ A soixante et quatorze ans, il était encore accessible aux sentiments qui sont le partage de la jeunesse. Il aimait, il inspirait l’amour, il songea un moment à épouser Mlle Lewezow, qu’il avait rencontrée à Marienbad: et, au dire de Zelter, Mme Scymanowska, remarquable pianiste, fut, dans ce temps-là, éperdumeut amoureuse de lui.

Le 7 novembre 1825, quelques semaines après qu’on eut célébré le cinquantième anniversaire de .l’avènement de Charles-Auguste, le souvenir de l’arrivée de Goethe à Weimar lut aussi solennisé par une fête publique. La cour, Weimar, léna, le pays, prirent une part active à ce jubilé demi-séculaire. Le glorieux vieillard fut comblé de témoignages d’amour et de respect.

L’année suivante, pour lui exprimer la reconnaissance de la patrie allemande, la diète germanique interdit, par privilége, la contrefaçon de ses œuvres. Jusque-là elles avaient enrichi les libraires : par cette tardive justice, ou assurait à ses descendants un bel héritage.

Mme de Steiu mourut le 6 janvier 1827. Le grand-duc mourut k Potsdam, le 14 juin 1828. Goethe était k table quand la nouvelle arriva. Elle lui fut communiquée avec ménagement. Sa figure ne parut pas troublée et ne trahit pas l’émotion. Il dit avec un soupir: « Ah ! c’est bien triste !… Parlons d’autre chose. » Il pouvait ne pas parler de cette perlOj mais n’y pas penser était impossible. « Tout est fini désormais ! » s’écria-t-il. Et, le soir, il disait à Eckermann : « J’avais toujours pensé que je m’en irais avant lui. Dieu en a décidé comme il l’a trouvé bon. Pauvres mortels, nous n’avons qu’à nous résigner et à nous soutenir aussi bien et aussi longtemps qu’il se pourra. » Retiré dans le château ducal de Dornbourg, dont la situation est si belle, auprès de la Saale, Goethe cherchait à se rendre