Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/397

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Qui peut échapper a» combat avec le monde ? Notre ami fut entraîné à son tour dans cette lutte. A conlre-cœur il se laisse démentir par l’expérience et la vie ; et comme, après une longue résistance, il ne peut réussir à accorder ces admirables nV gures avec le monde vulgaire, cette volonté sublime avec les besoins du jour, il se résout à admettre le réel pour le nécessaire, et il déclare fantastique ce qui lui a paru vrai jusqu’à-ce jour.

Mais là se montrent encore admirables le caractère et l’énergie de son esprit. Avec toute sa force de vie et son imperturbable gaieté, avec ses admirables facultés, ses aspiralions et ses vues loyales et spirituelles, il se sent blessé par le monde, lésé dans ses plus précieux trésors. Il ne peut plus retrouver nulle part dans l’expérience ce qui avait fait son bonheur durant tant d’années, ce qui avait même été le fonds le plus intime de sa vie. Mais il ne se consume pas en plaintes vaines, comme nous en avons tant lu en prose et en vers ; il se décide à la réaction. Il déclare la guerre à toute chose qui ne peut toujours se vérifier dans la réalité et, par conséquent, en premier lieu à l’amour platonique, puis à tout dogmatisme, surtout aux deux extrêmes, aux idées de Platon et de Pythagore. Il se déclare l’irréconciliable ennemi du formalisme religieux et de tout ce qui semble excentrique à la raison. *

Mais aussitôt il est pris de la crainte d’aller trop loin, de s’abandonner lui-même à des rêveries, et il entreprend de lutter contre la réalité vulgaire. Il s’élève contre tout ce que nous avons coutume d’appeler philistin, contre la roideur pédantesque, l’esprit de petite ville, les habitudes mesquines, la critique étroite, la fausse pruderie, le sot contentement, la dignité prétentieuse, enfin tous ces mauvais esprits dont le nom est légion.

Là, il procède d’une manière tout à fait naturelle, improvisée, inconsciente. Il se trouve à la gêne entre l’imaginable et le réel, et, comme il doit conseiller la modération pour les surmonter ou les unir l’un et l’autre, il doit aussi s’observer lui-même et se montrer large pour être équilable.

La sage et pure honnêteté de nobles Anglais, d’un Addison, d’un Sleele, et leur action dans le monde moral, l’avaient de-