Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/404

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Si l’on réfléchit que notre ami a écrit ces choses, non pas après coup, mais dans le temps même, et qu’en sa qualité d’éditeur d’un journal très-répandu, il avait l’occasion, il était même obligé, de parler au public, tous les mois, sans préparation, ceux qui sont appelés à suivre selon l’ordre des temps le cours de sa vie remarqueront, non sans étonnement, avec quelle attention il suivait la marche rapide des événements du jour, et avec quelle sagesse il s’est comporté en véritable Allemand, en homme réfléchi et sympathique. Et c’est ici le lieu de mentionner le Mercure allemand, journal si important pour notre patrie. Cette entreprise n’était pas la première dans son genre, mais, pour le temps, elle était nouvelle et importante. Le nom de l’éditeur inspira d’abord une grande confiance. Un homme, qui était poète lui-même, promettait d’introduire dans le monde les poésies d’autres auteurs ; un écrivain, auquel on devait d’excellents ouvrages, voulait lui-même juger, lui-même publier ses opinions, et cela excita les plus grandes espérances. Aussi des hommes de mérite se groupèrent-ils bientôt,autour de lui, et cette réunion de littérateurs éminents exerça une action si marquée, que le Mercure peut servir de fil directeur pour l’histoire de notre littérature pendant nombre d’années. L’effet fut grand et considérable sur le public en général : car, d’un côté, l’habitude de lire et de juger se répandit davantage ; de l’autre, le goût de se produire instantanément s’éveilla chez tous ceux qui avaient quelque chose à donner. Les communications affluèrent plus que l’éditeur ne l’avait attendu et désiré ; son succès produisit des imitateurs ; des gazettes semblables naquirent, qui s’offrirent à l’envi au public d’abord chaque mois, puis chaque semaine et chaque jour, et produisirent enfin cette confusion babylonienne dont nous avons été et dont nous sommes encore témoins, et qui vient proprement de ce que chacun veut parler et que personne ne veut écouter.

Ce qui maintint pendant beaucoup d’années le mérite et la dignité du Mercure allemand, ce fut le caractère naturellement libéral de l’éditeur. VYièland n’était pas né pour être chef de parti. Quiconque adopte pour maxime fondamentale la modération, ne doit jamais tomber dans l’esprit d’exclusion. Ce quiirritait sa nature vive, il cherchait à le souffrir doucement par