Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/409

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expéditions guerrières. Ouand vint le jour mémorable qui nous jeta dans l’étojinement et la frayeur, ce jour où le destin du monde fut décidé dans nos promenades, même pendant ces heures effroyables, que notre ami affrontait avec une âme tranquille, la fortune ne lui fut pas infidèle, car il fut d’abord préservé par les précautions d’un jeune et courageux ami, puis par les attentions des autorités françaises, qui respeclèrent en lui l’honorable et célèbre écrivain, et en même temps un membre de leur grand Institut.

11 eut bientôt après à pleurer avec nous la perte douloureuse d’Amélie. La cour et la ville s’efforcèrent de lui offrir toutes les compensations, et, au bout de quelque temps, deux empereurs l’honorèrent de marques de distinction qu’il n’avait jamais ni recherchées ni attendues pendant sa longue vie.

11 était pareil à lui-même dans les jours sombres comme dans tes jours sereins, et il démontrait ainsi l’avantage des natures délicates, dont la sensibilité modérée sait accueillir doucement la bonne comme la mauvaise fortune.

Il parut surtout admirable, pour le corps et pour l’âme, après le grave accident dont il fut victime dans un si grand âge, lorsqu’il fut grièvement blessé par une chute de voiture en même temps qu’une fille chérie. Il supporta avec la plus grande égalité d’âme les suites douloureuses de la chute, les lenteurs de la guérison ; et, pour la consolation de ses amis plus que pour la sienne, il disait qu’un malheur pareil ne lui était jamais arrivé, et que les dieux avaient pu juger équitable de lui faire aussi payer de cette manière la dette de l’humanité. Il guérit bientôt ; sa nature se rétablit promptement, comme celle d’un jeune homme, et il fut pour nous la preuve qu’une grande force physique peut être aussi dispensée à la délicatesse et à la pureté.

Et comme sa philosophie pratique se vérifia par cette épreuve, l’accident ne changea rien à ses sentiments et à sa manière de vivre. Après sa guérison, sociable comme auparavant, il prit part à tous les amusements accoutumés de la cour et de la ville, et, avec une véritable affection et une application soutenue, aux travaux des frères unis. Si vivement que son regard semblât toujours dirigé sur les choses terrestres, sur la connais-