Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/412

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s’intéresser proprement qu’à l’individuel. L’universel se trouve de lui-même, s’impose, se maintient, s’accroît. Nous l’utilisons, mais nous ne l’aimons pas.

Nous n’aimons que l’individuel : de là le grand plaisir que nous prenons aux relations, aux confessions, aux mémoires, aux lettres, aux aventures de personnes mortes, ces personnes fussent-elles insignifiantes.

C’est très-mal à propos qu’on demande si un homme doit écrire sa biographie : je tiens celui qui le fait pour le plus courtois des hommes.

Si quelqu’un s’ouvre à nous, peu importe le motif qui l’engage à le faire.

Il n’est nullement nécessaire qu’on soit irréprochable, qu’on fasse les choses les plus excellentes et les plus irréprochables, mais seulement qu’il se passe quelque chose qui puisse être utile aux autres ou les amuser.

On a trouvé mauvais que Lavater se soit fait si souvent peindre, dessiner, graver sur cuivre, et qu’il ait répandu partout son portrait, mais n’est-on pas charmé, aujourd’hui que la forme de cet être extraordinaire est détruite, de savoir en somme, d’une manière certaine, quelle figure il avait, au moyen d’imitations si diverses faites en divers temps ?

On a peu s’en faut imputé à crime au bizarre Arétin d’avoir fait frapper des médailles à son effigie et d’en avoir fait hommage à ses amis et à ses protecteurs. Moi, je me félicite d’en posséder une couple dans ma collection, et d’avoir de lui sous mes yeux une image qu’il a lui-même avouée.

Nous sommes en général beaucoup trop légers pour conserver comme un ensemble le souvenir individuel dans ses vrais particularités, et, d’un autre côté, beaucoup trop curieux d’apprendre les détails, surtout ceux qui rabaissent.