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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/421

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ŒUVRES DIVERSES.

À la fin du dix-septième siècle, les Français n’employaient pas ce mot d’une manière absolue ; ils le déterminaient par un adjectif. Ils disaient « un bon, un mauvais goût, » et ils savaient fort bien ce qu’ils entendaient par là. Cependant on trouve déjà dans un recueil d’ana et de maximes de ce temps-là : « Les écrivains français ont tout, excepté le goût [1]. »

Si l’on étudie la littérature française dès son origine, on trouve que, de très-bonne heure, le génie a beaucoup fait pour elle. Marot était un homme éminent, et qui peut méconnaître le haut mérite de Montaigne et de Rabelais ?

Le génie, aussi bien que le bon esprit, cherche à étendre son domaine dans l’infini. Ils embrassent dans leur cercle de création les éléments les plus divers, et sont souvent assez heureux pour les dominer et les mettre en œuvre parfaitement. Si l’entreprise ne réussit pas tout à fait, l’esprit ne se sent pas absolument obligé de carguer les voiles ; que les travaux arrivent seulement à un certain degré, où il peut y reprendre quelque chose, aussitôt se produisent la louange et la critique des détails, et l’on croit préparer des ouvrages parfaits, si l’on sépare bien nettement les éléments dont ils doivent se composer.

Les Français ont un poète dont ils ne parlent plus ou dont ils ne parlent qu’avec mépris, c’est Dubartas. Il vécut de 1544 à 1590. Il fut soldat et homme du monde et il écrivit d’innombrables alexandrins. Nous autres Allemands, qui observons l’état de cette nation d’un autre point de vue, nous sommes disposés à sourire, quand nous trouvons réunis chez ce poëte, que le titre de ses ouvrages proclame le prince des poëte français, tous les éléments de la poésie française, mêlés, il est vrai, d’une étrange façon. Il traita des sujets importants et vastes, comme, par exemple, les Sept Jours de la création, où il trouva l’occasion d’étaler, sous une forme narrative, descriptive, didactique, un tableau naïf de l’univers et les diverses connaissances qu’il avait acquises dans une vie active. Ces poèmes, très-sérieusement conçus, ressemblent par conséquent à d’innocentes parodies et leur aspect bigarré choque au plus haut point le Français, au degré élevé de culture où il se flatte d’être parvenu,

  1. Ce mot est de Ménage.