Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/44

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CAMPAGNE DE FRANGE.

Du 23 au 27 août 1792.

Aussitôt après mon arrivée à Mayence, j’allai rendre visite à M. de Stein, l’aîné, chambellan et grand maître des eaux et forêts du roi de Prusse. M. de Stein était dans cette ville une sorte de résident, et il se signalait par sa haine pour tout ce qui était révolutionnaire. Il me traça en traits rapides les progrès qu’avaient faits jusqu’alors les armées alliées, et me donna un abrégé de l’atlas topographique de l’Allemagne, publié par Jaeger à Francfort et intitulé Théâtre de la guerre.

A midi je trouvai à sa table plusieurs dames françaises, qui étaient faites pour captiver mon attention. Une d’elles, qui passait pour être la maîtresse du duc d’Orléans, était une belle femme déjà d’un certain âge, à la contenance fière ; les yeux, les sourcils et les cheveux d’un noir de corbeau ; du reste, dans la conversation, affable et polie. Sa fille, jeune image de la mère, ne disait mot. En revanche, la princesse de Monaco, amie déclarée du prince de Condé, et l’ornement de Chantilly dans ses beaux jours, se montrait éveillée et charmante. On ne pouvait rien voir de plus gracieux que cette svelte blondine, jeune, gaie, folâtre ; pas un homme qui eût résisté à ses agaceries. Je l’observai avec une entière liberté d’esprit, et je fus bien surpris de rencontrer la vive et joyeuse Philine1, que je ne m’at-


1. Personnage des Années d’apprentissage de Wilhelm tleitler. Voyez tome VI, page 83 et passim.