Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/441

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SUR LA VIE DE LÉONARD DE VINCI.

Vinci,châteauet seigneurie du val d’Arno, près de Florence, fut possédé, vers la fin du quinzième siècle, par un seigneur nommé Pierre, qui eut, d’une mère inconnue, un fils naturel. Ce fils, nommé Léonard, déploya, dès sa plus tendre jeunesse, toutes les qualités d’un chevalier ; il avait la force du corps, l’adresse à tous les exercices, la grâce et les bonnes manières ; mais il fit surtout paraître un goût passionné et une grande aptitude pour les arts plastiques. ’Aussi fut-il envoyé de bonne heure à Florence, et donné pour élève à Berrochio, esprit méditatif, profondément versé dans la théorie. Léonard surpassa bientôt son maître dans la pratique, au point de lui faire prendre la peinture en dégoût.

L’art se trouvait alors au point où un grand talent pouvait entrer avec succès dans la carrière, et se produire dans tout l’éclat de son activité. La peinture avait déjà renoncé depuis deux siècles à la sèche roideur de l’école byzantine, et, par l’imitation de la nature, par l’expression de sentiments pieux et moraux, elle s’était élevée à une vie nouvelle. L’artiste travaillait excellemment, mais d’une manière inconsciente, il exprimait avec bonheur ce que lui inspirait son talent, les choses auxquelles son sentiment le portait, selon la mesure de son développement esthétique, mais nul ne savait encore se rendre compte des mérites et des défauts de ses ouvrages, qu’il ne laissait pas de sentir et de remarquer. Chacun a dans l’œil la vérité et le naturel, mais l’unité vivante fait encore défaut ; on trouve les plus admirables dispositions, et-pourtant aucun ouvrage n’est parfaitement conçu, entièrement combiné ; on rencontre partout quelque chose d’accidentel, d’étranger ; les principes d’après lesquels on aurait pu juger son propre travail ne sont pas encore formulés.

Telle était l’époque dans laquelle parut Léonard de Vinci, et en même temps que son habileté naturelle lui rendait facile l’imitation de la nature, son esprit profond remarqua bientôt que, derrière l’apparence extérieure, qu’il savait si heureusement reproduire, étaient cachés encore bien des mystères, qu’il