Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/447

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se préparer à elle-même des moyens infinis avant de pouvoir, après mille tentatives, faire sortir les organes les uns des autres, les développer ensemble, pour produire une œuvre telle que la figure humaine, qui manifeste, il est vrai, extérieurement les plus hautes perfections intérieures, mais qui semble envelopper plutôt que résoudre l’énigme derrière laquelle se cache la nature.

Représenter consciencieusement l’intérieur dans l’extérieur était le vœu suprême, unique, des plus grands maîtres ; ils ne s’efforçaient pas seulement de rendre avec une vérité frappante l’idée de l’objet, ils voulaient que l’imitation fût équivalente à la nature, qu’elle lui fût même supérieure sous le rapport del’effet. Or cela exigeait avant tout le plus grand détail, et l’on ne pouvait y arriver que par degrés. Il était d’ailleurs indispensable qu’on pût retoucher, et donner un nouveau coup de pinceau : ces avantages, et bien d’autres, on les trouve dans la peinture à l’huile.

On a donc reconnu, après d’exactes recherches, que Léonard avait enduit avec un fer chaud la crépissure d’un mélange de mastic, de poix et d’autres ingrédients. Ensuite, pour obtenir un fond parfaitement uni, et une plus grande sûreté contre les influences extérieures, il avait passé sur le tout une couche légère de blanc de plomb et une fine argile jaune. Mais ces soins mêmes paraissent avoir nui à l’ouvrage ; en effet, si, dans les commencements, quand les couleurs du tableau avaient assez de nourriture, cette dernière et légère couche huileuse en prit sa part et se maintint quelque temps ; lorsque, avec le temps, l’huile vint à se dessécher, l’enduit perdit également de sa force et commença à se gercer ; parce que l’humidité de la muraille y pénétra et produisit d’abord la moisissure, qui effaça peu à peu le tableau.

EMPLACEMENT.

Mais ce qui provoque des réflexions encore plus tristes, c’est que, le tableau une fois achevé, on put en prédire la destruction, vu la nature et la situation de l’édifice. Soit dessein, soit caprice, le duc Ludovic avait obligé les moines de rebâtir dans ce lieu défavorable leur monastère tombé en ruine. D’ailleurs