Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/448

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il fut mal construit et comme par corvées. On voit dans le vieux cloîlre de misérables colonnes, négligemment travaillées, de grands arceaux alternant avec de petits, des tuiles inégales, ébréchëes, des matériaux de vieux édifices démolis. Si l’on traita de la sorte les parties extérieures, exposées aux regards, on peut présumer que les murs intérieurs, qui devaient être crépis, furent bâtis plus mal encore. On y employa probablement des briques effleuries et d’autres pierres pénétrées de sels nuisibles, qui absorbaient et exhalaient ensuite la funeste humidité du local. Ajoutons que la malheureuse muraille à laquelle un si grand trésor était confié regardait le nord et se trouvait dans le voisinage de la cuisine, de l’office, du dressoir. Quel dommage qu’un artiste si prévoyant, qui ne pouvait assez choisir et préparer ses couleurs, assez clarifier ses vernis, se soit vu forcé parles circonstances de négliger ou de trop peu considérer l’emplacement qui devait recevoir le tableau, circonstance capitale de laquelle tout dépend !

Si du moins le couvent se fût trouvé sur une hauteur, le mal ne serait pas arrivé à ce point. Mais l’édiflce, et surtout le réfectoire, est placé si bas qu’en 1800, après de longues pluies, l’eau s’y éleva à la hauteur de trois palmes, ce qui nous autorise à conclure que l’effroyable inondation de 1500 s’y étendit également. Quelques soins que les ecclésiastiques aient pris alors pour sécher la salle, les murailles ne restèrent que trop pénétrées d’humidité. Et cela arriva dès le temps où Léonard travaillait encore à son tableau.

Environ dix ans après que l’ouvrage fut terminé, une affreuse peste envahit la bonne ville. Comment peut-on prétendre que les religieux, abandonnés de tout le monde, en danger de mort, aient dû prendre soin du tableau de leur réfectoire ?

Les troubles de guerre et tant d’autres adversités, qui assaillirent la Lombardie dans la première moitié du seizième siècle, tirent aussi négliger complètement les ouvrages d’art ; et le nôtre, grdce aux défauts intérieurs que nous avons signalés, surtout ceux de la muraille, de l’enduit, peut-être du genre même de la peinture, était déjà livré à la destruction. Dès le milieu du seizième siècle, un voyageur dit que l’ouvrage*st à moitié dégradé ; un autre n’y voit qu’une tache sombre ; or