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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/48

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autres, et surmontés d’une pointe ornée d’écailles imbriquées, qui se terminait par un globe, un aigle et un serpent. Il est à désirer qu’un ingénieur, amené et retenu peut-être quelque temps dans le pays par le cours de la guerre, veuille prendre la peine de mesurer le monument, et, s’il est dessinateur, nous conserve et nous donne les figures des quatre faces, telles qu’on les distingue encore.

Combien n’ai-je pas vu élever de mon temps de tristes obélisques dépourvus de figures, sans que personne ait songé à ce monument ! A la vérité, il est déjà d’une époque tardive, mais on y voit encore le désir et le goût de transmettre à la postérité l’image sensible de la personne avec tout son entourage et les témoignages de son activité. Là se voient en présence les uns des autres des parents et des enfants, réunis dans un banquet de famille. Mais, pour que le spectateur apprenne aussi d’où vient cette aisance, des chevaux chargés arrivent ; l’industrie et le commerce sont représentés de diverses manières. Car ce sont proprement des commissaires des guerres qui ont élevé à euxmêmes et aux leurs ce monument, pour témoigner qu’alors comme aujourd’hui on pouvait amasser dans ce lieu assez de biens.

On avait construit toute cette pyramide avec de grands quartiers de grès, entassés bruts les uns sur les autres, et l’on y avait ensuite sculpté les figures comme sur un rocher. Si ce monument a résisté à l’action des siècles, on peut l’attribuer à une construction si solide.

Je ne pus me livrer longtemps à ces agréables et fécondes pensées, car, tout près de là, à Grevenmachern, le spectacle le plus moderne m’était préparé. Je trouvai là le corps des émigrés, qui se composait tout entier de nobles, la plupart chevaliers de Saint-Louis. Ils n’avaient ni domestiques ni palefreniers, et ils prenaient soin eux-mêmes de leurs personnes et de leurs chevaux. J’en ai vu plusieurs les mener à l’abreuvoir et les tenir devant la forge. Mais ce qui faisait le plus singulier contraste avec cette humble conduite, c’étaient les carrosses et les voitures de tout genre qui encombraient une grande prairie. Les émigrés étaient entrés en campagne avec leurs femmes et leurs maîtresses, leurs enfants et leurs parents, comme pour