Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/492

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vers un siècle plus barbare doit être remarquée, puisqu’on ne saurait l’empêcher. Que ces lignes soient donc, en ce que nous avons à dire, quoiqu’on l’ait déjà dit souvent et peut-être mieux, un témoignage qu’à côté de ces exigences peu équitables et exagérées à l’égard de nos écrivains, règnent encore en silence des sentiments équitables et reconnaissants envers ces hommes mal récompensés de leurs travaux.

L’auteur de l’article s’afflige de voir l’Allemagne si pauvre en prosateurs excellents et classiques, et là-dessus il lève bien haut le pied pour enjamber, d’un pas de géant, par-dessus une douzaine de nos meilleurs auteurs, qu’il ne nomme pas, et qu’avec de médiocres éloges et de sévères critiques, il caractérise de telle sorte qu’on aurait beaucoup de peine à les deviner sous ses caricatures.

Aucun auteur allemand, nous en sommes convaincus, ne se regarde comme classique, et chacun d’eux est plus sévère pour lui-même qu’un Thersite aux prétentions extravagantes, frondeur de personnes respectables, qui ne demandent nullement qu’on admire sans réserve leurs travaux, mais qui peuvent s’attendre qu’on saura les apprécier.

Nous nous garderons bien de commenter le texte mal pensé et mal écrit que nous avons sous les yeux. Nos lecteurs ne parcourront pas sans dégoût ces pages dans l’endroit indiqué, et ils sauront juger et châtier la prétention malhonnête avec laquelle un intrus veut pénétrer dans une honorable compagnie, et mettre à la porte des gens de mérite, afin de prendre leur place. Quelques mots seulement, pour faire justice de cette grossière importunité.

L’homme qui regarde comme un devoir indispensable d’attacher des idées déterminées aux mots dont il se sert en parlant ou en écrivant, emploiera très-rarement les expressions d’ auteur classique, d’ouvrage classique. Quand voit-on, où voit-on paraître un auteur classique national ? Lorsqu’il rencontre dans l’histoire de sa nation de grands événements, et qu’il en observe les suites dans une heureuse et imposante unité ; quand il ne cherche pas inutilement dans le caractère de ses compatriotes la grandeur ; dans leurs sentiments la profondeur, et dans leurs actions la force et la conséquence ; quand, pénétré lui-même de