Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/50

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camp aux environs de Longwy. Il était bien informé de tout, et ne semblait pas répugner à informer les autres. Enfin il fixa mon attention sur la conduite des Prussiens, qui, à leur entrée, avaient pillé des villages inoffensifs et paisibles, qu’il fallût accuser de ces désordres la troupe ou les goujats et les traînards : on avait fait mine de les punir, mais les populations étaient profondément irritées.

Cela me fit souvenir de ce général de la guerre de Trente Ans, à qui on se plaignait hautement de la conduite hostile de ses troupes en pays ami, et qui répondit : « Je ne puis transporter mon armée dans un sac. »

Mais je pus remarquer en général que nos derrières n’étaient pas bien assurés.

Je laissai sur la droite, à quelque dislance, Longwy, dont la conquête m’avait été pompeusement annoncée en chemin, et j’arrivai le 27 août après midi au camp de Brocourt. Établi dans une plaine, il pouvait être embrassé d’un coup d’œil, mais on n’y arrivait pas sans difficulté. Le sol humide, effondré, arrêtait les che-vaux et les voitures. On était d’ailleurs surpris de ne rencontrer ni gardes ni postes, ni personne qui demandât les passe-ports et auprès de qui on aurait pu soi-même prendre quelques informations. Nous passâmes à travers un désert de tentes, car chacun s’était blotti sous la toile, pour chercher un misérable abri contre un temps effroyable. Nous eûmes beaucoup de peine à nous faire indiquer la place où nous pourrions trouver le régiment du duc de Weimar. Nous y arrivâmes enfin, nous vîmes des figures connues et nous reçûmes le meilleur accueil des amis dont nous al lions partager les souffrances. Le conseiller Wagner et son caniche noir furent les premiers qui me saluèrent ; tous deu\ reconnurent un ancien camarade, qui allait traverser encore avec eux une époque difficile. J’appris en même temps un accident regrettable. Amarante, cheval favori du prince, était tombé mort la veille, après avoir poussé un horrible cri.

Je dus bientôt voir et me convaincre que la situation du camp était beaucoup plus fâcheuse encore que le maître de poste ne me l’avait annoncé. Qu’on se représente une plaine au pied d’une colline à pente douce ; un fossé, creusé de temps immé-