Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à remarquer que les poissons, dans leurs mouvements, reflétaient diverses couleurs. Au premier moment, je pris ce phénomène pour les couleurs changeantes de ces petits corps m«biles, mais j’en eus bientôt l’heureuse explication. Il était tombé dans l’entonnoir un débris de poterie, qui me présenta du fond les plus belles couleurs prismatiques. Plus claires que le fond, rayonnant vers mon œil, se montraient sur le bord opposé à moi les couleurs bleue et violette, et, sur le bord placé de mon côté, le rouge et le jaune. Là-dessus, ayant fait le tour de la source, je vis le phénomène me suivre, comme il est naturel dans ces expériences subjectives, et, par rapport à moi, les couleurs parurent toujours les mêmes.

Occupé avec passion decès objets, j’éprouvai la plus grande joie à voir là sous le ciel, d’une manière si vive et si naturelle, le phénomène pour lequel, depuis près de cent ans, les professeurs de physique s’enfermaient avec leurs élèves dans une chambre obscure. Je me procurai encore quelques morceaux de vaisselle, que je jetai dans l’eau, et je pus très-bien observer que le phénomène commençait très-vite sous la surface de l’eau, qu’il devenait plus apparent à mesure que le débris s’enfonçait, et qu’entin, devenu un petit corps blanc, saturé de couleur, il arrivait au fond sous l’aspect d’une petite flamme. Sur quoi je me souvins qu’Agricola fait déjà mention de ce phénomène et qu’il était disposé à le ranger parmi les phénomènes ignés.

En sortant de table, nous montâmes sur la colline qui cachait à nos tentes la vue de Verdun, et, comme ville, nous la trouvâmes très-agréablement située. Elle est entourée de prairies et de jardins, dans une plaine riante que traverse la Meuse, divisée en plusieurs bras, entre des collines rapprochées et lointaines ; mais, comme place forte, elle est exposée de tous côtés au bombardement. L’après-midi se passa à dresser les batteries, la ville ayant refusé de se rendre. Cependant,’nous l’observâmes avec de bonnes lunettes et nous pûmes très-bien distinguer ce qui se passait sur le rempart en face de nous, le peuple allant et venant, et qui paraissait très-occupé à une certaine place.

Le bombardement commença à minuit, soit de la batterie établie sur notre rive droite, soit de celle de la rive gauche, qui,