Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/64

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physique ou morale, qui produisit cet effet. Je vis bien loin derrière la foule dispersée le boulet ricocher encore à travers quelques haies. On courut après avec de grands cris, dès le moment qu’il eut cessé d’être redoutable. Personne ne fut atteint, et ceux qui s’emparèrent de cette masse de fer la promenèrent en triomphe.

Vers midi,la ville fut sommée une seconde fois : elle demanda un délai de vingt-quatre heures. Nous en profitâmes aussi pour nous établir un peu plus commodément, nous approvisionner, et parcourir la contrée. Je ne manquai pas de retourner à la source instructive, où je pus faire mes observations avec plus de tranquillité et de réflexion, le bassin étant entièrement péché, et l’eau s’étant tout à fait éclaircie et reposée, pour me laisser répéter à plaisir le jeu de la petite flamme descendante : aussi étais-je de l’humeur la plus agréable. Quelques accidents nous rejetèrent bientôt dans l’état de guerre. Un officier d’artillerie voulut faire boire son cheval. Le manque d’eau était général dans cet endroit ; ma source, auprès de laquelle il passa, était trop enfoncée : il se rendit à la Meuse, qui coulait près de là. La rive était rapide et il fut englouti ; le cheval en réchappa, mais l’officier fut rapporté mort.

Peu de temps après, on entendit une forte explosion dans le camp autrichien, au pied de la colline que nous pouvions voir du nôtre. Les détonations et la fumée se répétèrent quelquefois. Tandis qu’on chargeait les bombes, un incendie, effet de la négligence, s’était déclaré. On courait le plus grand danger ; déjà le feu se communiquait aux bombes chargées, et l’on avait à craindre que toute la provision ne sautât en l’air. Mais cette crainte fut bientôt dissipée par la glorieuse conduite des soldats impériaux, qui, au mépris du danger imminent, se hâtèrent d’emporter hors du camp la poudre et les bombes chargées.

Ainsi s’écoula cette journée. Le lendemain, la ville se rendit et les alliés en prirent possession ; mais nous eûmes aussitôt un Irait du caractère républicain. Le commandant Beaurepaire, pressé par la bourgeoisie aux abois, qui voyait déjà la ville tout entière brûlée et détruite, si le bombardement continuait, ne put refuser plus longtemps de rendre la place ; mais lorsqu’il eut donné son consentement en pleine séance à l’hôtel de ville,