Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/70

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ner, quoiqu’il fût visible qu’on s’éloignait trop ; mais le chemin était si étroit que nous n’aurions pu sortir de la file sans nous perdre irrévocablement dans les fossés. Nous regardions à droite et à gauche sans rien découvrir ; nous ne pouvions obtenir de personne un éclaircissement, car tout le monde était étranger comme nous, et, grâce à la situation, en proie à l’humeur la plus triste. Enfin, arrivé sur une colline à pente douce, je vis à gauche, dans une vallée qui, pendant les beaux jours, devait être charmante, un joli village avec un château considérable, et, par bonheur, la douce et verte lisière d’un bois promettait de nous y conduire commodément. Je me hâtai d’autant plus de prendre par en bas pour sortir de l’effroyable ornière, que je voyais des officiers et des palefreniers courir de côté et d’autre, des fourgons, des chaises arrêtées ; je supposai que c’était un des quartiers généraux, et je ne me trompais point, c’était Glorieux, quartier du roi. Mais là encore je demandai, inutilement où se trouvait Jardin-Fontaine. Enfin je rencontrai, comme un envoyé du ciel, M. d’Alvensleben, dont j’avais déjà éprouvé l’obligeance. Il m’apprit que je devais suivre dans le vallon jusqu’à la ville le*chemin vicinal, qui était entièrement libre, tâcher ensuite, arrivé devant la ville, de prendre par la gauche, après quoi je découvrirais bientôt Jardin-Fontaine.

Tout cela me réussit et je trouvai aussi nos tentes dressées, mais dans l’état le plus affreux ; on se voyait plongé dans une boue sans fond ; les attaches pourries des tentes se rompaient l’une après l’autre, et la toile battait la tête et les épaules de ceux qui voulaient y chercher un asile. On souffrit cela quelque temps, mais enfin on résolut de se loger dans le village. Nous trouvâmes dans une maison bien montée un malicieux bonhomme, qui avait été cuisinier en Allemagne. Il nous fit un joyeux accueil. Il se trouvait au rez-de-chaussée de belles chambres claires, une bonne cheminée et tout ce qu’il fallait pour nous reposer.

La suite du duc de Weimar était nourrie de sa cuisine. Cependant notre hôte me pressa de goûter une fois quelque chose de sa façon. Il me fit en effet une chère exquise, mais j’en fus si incommodé, que j’aurais pu penser encore au poison, si je