Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/69

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minel. Mais ce qui faisait surtout le sujet des conversations, c’étaient les grands dangers des prochaines opérations militaires.

La forêt de l’Argonne, chaîne de collines boisées, qui force l’Aire à couler du sud au nord en la côtoyant, s’étendait immédiatement devant nous, et arrêtait notre mouvement. On parlait beaucoup des Islettes, passage important entre Verdun et Sainte-Menehould. Pourquoi n’était-il pas occupé ? Pourquoi l’avait-il été ? C’était sur quoi l’on ne pouvait s’entendre. Les émigrés devaient l’avoir surpris un ’moment, sans avoir pu le garder. La garnison sortie de Longwy s’y était portée ; on le croyait du moins. Tandis que nous avions marché sur Verdun et bombardé cette ville, Dumouriez avait envoyé à travers le pays des troupes pour fortifier les Islettes et couvrir l’aile droite de sa position derrière Grandpré, et opposer ainsi aux Prussiens, aux Autrichiens et aux émigrés de nouvelles Thermopyles.

On s’avouait cette position extrêmement défavorable, et, tandis" que l’armée aurait dû marcher en avant sans relâche, il fallut se résoudre-à lui faire côtoyer l’Aire, pour assaillir à tout hasard des défilés fortifiés,-. sur quoi on trouvait encore très-avantageux que nous eussions enlevé Clermont aux Français, et qu’il fût occupé par les Hessois, qui, opérant contre les Islettes, pouvaient, sinon les enlever, du moins les inquiéter.

Du 6 au 10 septembre 1752.

Dans cette pensée, on leva le camp, et il fut porté derrière Verdun.

Le quartier général du roi était à Glorieux, celui de Brunswick à Regrets, et ces noms donnaient lieu à de singulières observations.

J’arrivai à Glorieux par suite d’un accident désagréable. Le régiment de Weimar devait camper à Jardin-Fontaine, près de la ville et de la Meuse. Nous réussîmes heureusement à sortir de la ville, en nous mêlant par contrebande dans la file des bagages d’un régiment inconnu, et nous nous laissâmes entraî-