Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/72

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peu, il se récria sur la cruauté avec laquelle le roi de Prusse traitait les princes français. Surpris et presque troublés, nous lui demandâmes de s’expliquer. Alors nous apprlmes.que le Roi était parti de Glorieux sans surtout, sans manteau, malgré une pluie épouvantable, et que les princes de la famille royale avaient dû renoncer de même à tout vêtement propre à les garantir du mauvais temps.

Notre marquis n’avait pu voir sans une extrême désolation ces personnes augustes légèrement vêtues, mouillées jusqu’aux os, ruisselantes de pluie ; il aurait donné sa vie pour les voir passer dans une bonne voiture, elles sur qui reposaient l’espérance et le bonheur de la patrie entière et qui étaient accoutumées à un tout autre genre de vie. Nous n’avions rien à répliquer, car nous ne l’aurions pas consolé en lui faisant considérer que la guerre, comme une mort anticipée, rend tous les hommes égaux, abolit toute propriété, et menace de fatigues et de dangers les plus augustes personnages.

lî septembre 1792.

Le lendemain, en considération de si grands exemples, je résolus de laisser sous la garde du camérierJ Wagner, qui était un homme sûr, ma voiture légère et pourtant attelée de quatre chevaux de réquisition. Il fut chargé de nous suivre avec l’équipage et l’argent comptant, si nécessaire. Je montai à cheval avec quelques bons compagnons "et nous prîmes le chemin de Landres. Nous trouvâmes au milieu de la route des fagots et des branchages, débris d’un petit bois de bouleaux, qui nous donnèrent bientôt des flammes brillantes et de la braise pour nous réchauffer et pour cuire notre dtner. Mais les beaux apprêts d’une table de régiment étaient déjà détruits ; on ne voyait venir ni tables, ni siéges, ni bancs ; on fit du mieux qu’on put: on mangea debout, peut-être appuyé. Nous atteignîmes heureusement le camp vers le soir. Nous étions ainsi établis non loin de Landres, en face de Grandpré, mais nous savions que le passage était fortement et avantageusement occupé. Il pleu-


1. Le trésorier particulier du prince.