Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/73

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vait incessamment et non sans bourrasques ; on trouvait peu d’abri sous les tentes.

Mais heureux celui dont une noble passion remplissait le cœur ! Le phénomène des couleurs de la source n’avait pas cessé un moment, pendant ces jours, d’occuper ma pensée ; j’y rêvais constamment pour l’élever au point d’être facilement soumis à l’expérience. Je dictais à Vogel, qui se montra encore ici un fidèle secrétaire, des notes éparses, puis je dessinais à côté les figures. Je possède encore ces papiers avec toutes les marques du mauvais temps, et comme témoignage d’une fidèle recherche dans le sentier difficile où j’étais entré. Mais le chemin de la vérité a cet avantage, qu’on se rappelle toujours avec plaisir une marche mal assurée, un détour, et même un faux pas.

Le temps empira encore, et devint si affreux pendant la nuit, qu’on se trouvait bien heureux de la passer sous les voitures des régiments. Situation terrible, en présence de l’ennemi, qui pouvait d’un moment à l’autre déboucher de ses hauteurs et de ses bois fortifiés.

Du 13 au 17 septembre 1792.

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Le 13, le camérier Wagner arriva de bonne heure avec tout l’équipage, y compris le caniche. Il avait passé une affreuse nuit ; après mille autres embarras, il s’était écarté de l’armée dans les ténèbres, égaré par les valets ivres et endormis d’un général, qu’il avait suivis ; ils étaient arrivés dans un village, et soupçonnèrent que les Français étaient tout près. Inquiété par toute sorte de bruits alarmants, abandonné de ses chevaux, qui ne revenaient pas de l’abreuvoir, il réussit pourtant à s’échapper de ce malheureux, village, et nous nous retrouvâmes enfin avec notre bagage.

Il y eut ensuite un moment de trouble et aussi d’espérance. On entendait à notre aile droite une forte canonnade, et l’on se dit que le général Clerfayt était arrivé des Pays-Bas, qu’il avait attaqué les Français sur leur flanc gauche. Chacun était fort impatient de connaître l’événement. Je courus au quartier général pour savoir plus positivement ce que signifiait cette canonnade et à quoi il fallait s’attendre. On n’y savait encore