Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome X.djvu/77

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malheur, les blés n’étaient pas battus et les moulins manquaient également ; les fours à cuire étaient rares aussi, et véritablement nous commencions à subir le supplice de Tantale.

, 18 septembre 1792.

Pour se livrer à ces réflexions, une nombreuse société se rassemblait d’ordinaire à chaque halte, et se rapprochait avec une certaine confiance, surtout au moment où l’on prenait le café. Elle était composée de singuliers éléments, Allemands et Français, militaires et diplomates ; tous personnages marquants, expérimentés, sages, spirituels, animés par l’importance du moment, tous hommes demérite et de dignité, mais qui, n’étant pas membres du conseil secret, s’efforçaient d’autant plus de deviner ce qu’on avait résolu, ce qui pouvait arriver.

Dumouriez, ne pouvant occuper plus longtemps le passage de Grandpré, avait remonté l’Aisne, et, ses derrières étant couverts par les Islettes, il s’était posté sur les hauteurs de SainteMenehould, faisant face à la France. Nous avions pénétré par l’étroit passage, laissant inattaquées, sur nos derrières et sur nos flancs, les places de Sedan, de Montmédy et de Stenay, qui pouvaient à leur gré nous rendre les approvisionnements difficiles. Nous étions entrés par un temps détestable dans une triste contrée, dont le sol ingrat nourrissait à peine quelques villages clair-semés. Il est vrai que Reims, (Ululons et leurs fertiles environs n’étaient pas éloignés ; on pouvait espérer de s’y rafraîchir : aussi l’avis presque unanime de la société était-il que nous devions marcher sur Reims et nous emparer de Châlons ; Dumouriez ne pouvait alors demeurer immobile dans sa position avantageuse ; une bataille était inévitable, où qu’elle fût livrée, et l’on se croyait sûr de la victoire.

Un 18 ;m 22 septembre 17 !)2.

Ce fut donc un sujet de sérieuses réflexions que l’ordre qui nous fut donné le 19 de marcher sur Massiges, de remonter la rive de l’Aisne, en laissant à main gauche, de près ou de loin,