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BOTANIQUE.

la nature semblaient lutter à qui des deux serait plus hardie et plus conséquente dans ses créations.

Je poursuivais cependant le cours de ma carrière. Heureusement mes occupations et mes plaisirs m’appelaient souvent à la campagne ; la contemplation de la nature elle-même m’apprit que chaque plante choisit la localité qui réunit toutes les conditions qui peuvent la faire prospérer et multiplier. Ainsi, les sommets élevés ou les lieux bas, la lumière, l’obscurité, la sécheresse, l’humidité, les divers degrés de chaleur, et mille autres conditions encore, exercent, ensemble ou séparément, une influence réelle sur les espèces et sur les genres de plantes qui ne sont fortes et nombreuses que dans les localités où les conditions favorables à leur développement se trouvent réunies. Placées dans certains lieux, exposées à certaines influences, les espèces semblent céder à la nature en se laissant modifier ; elles deviennent alors des variétés, sans abdiquer leurs droits à une forme et à des propriétés particulières.

Je pressentis cette vérité en étudiant la nature sauvage, et elle jeta un jour tout nouveau pour moi sur les jardins et sur les livres.

Le botaniste qui voudra bien se reporter en imagination à l’année 1786 pourra se faire une idée de l’état dans lequel je me suis trouvé pendant dix ans. Le psychologiste n’oubliera pas d’ajouter, comme éléments moraux du problème, les devoirs, les obligations, les goûts et les distractions qui remplissaient ma vie.

Qu’on me permette d’intercaler ici une observation générale. Tous les objets dont nous sommes entourés dès l’enfance conservent toujours à nos yeux quelque chose de commun et de trivial ; quoique nous ne les connaissions que très superficiellement, nous vivons près d’eux dans un état d’indifférence tel, que nous devenons incapables de fixer sur eux notre attention. Des