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BOTANIQUE.

donner les espèces, me parut un problème insoluble. Je lisais bien dans les livres comment il fallait s’y prendre, mais je ne pouvais espérer que jamais une détermination resterait incontestée, puisque, du vivant même de Linnée, ses genres furent divisés, morcelés, et quelques unes de ses classes détruites.

J’en concluais que le plus sagace, le plus ingénieux des naturalistes, n’avait soumis qu’en gros la nature à ses lois ; mon admiration pour lui n’en était pas diminuée, mais j’étais dans une perplexité singulière, et l’on peut se figurer quels efforts un écolier autodidactique comme moi, dut faire pour sortir d’embarras.

Je crus voir clairement que Linnée et ses successeurs ont agi à la manière des législateurs, qui, plutôt préoccupés de ce qui devrait être que de ce qui est, ne s’inquiètent pas des habitudes et des besoins des citoyens, mais cherchent uniquement la solution du problème si difficile, de faire vivre en bonne intelligence tous ces hommes indisciplinés, à idées et à intérêts opposés. En considérant sous ce point de vue le plan de Linnée tel qu’il est exposé dans le volume chéri dont j’ai déjà parlé avec tant d’éloge, je me sentais plein d’admiration pour cet homme unique, plein d’estime pour ses successeurs, qui ont toujours tenu d’une main habile les rênes qu’il leur avait confiées, et guidé sagement dans sa course le char de la science.

Un seul moment de contemplation calme et réfléchie suffisait pour me faire comprendre qu’il aurait fallu toute la vie d’un homme inspiré et soutenu par une vocation innée, pur embrasser et coordonner les phénomènes innombrables que présente un seul règne, mais je compris en même temps qu’il me restait une autre voie plus conforme à la tournure de mon esprit. Les phénomènes de la formation et de la transformation des êtres organisés m’avaient vivement frappé ; car l’imagination et