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Page:Goethe - Œuvres d'Histoire naturelle, trad. Porchat (1837).djvu/286

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BOTANIQUE.

avouer qu’une idée, une conception, devait servir de base à toute observation, si l’on voulait avancer la partie expérimentale et faire naître les découvertes et les inventions.

Lorsque dans un écrit ou dans la conversation on énonçait une idée qui plaisait à ces braves gens, et qui leur paraissait juste en elle-même, alors ils vous comblaient d’éloges, appelaient cela une heureuse inspiration, et vous accordaient de la sagacité, parce qu’ils avaient aussi de la sagacité pour remuer leurs petits détails. Ils sauvaient ainsi leurs inconséquences en accordant à d’autres une bonne idée sans prémices et sans conséquences.

Mes amis, auxquels, dans la joie de mon âme, j’avais donné des exemplaires de mon Essai, me répondaient avec les phrases de Bonnet ; car sa Contemplation de la nature avait séduit les esprits par une clarté apparente, et propagé l’usage d’une langue avec laquelle on croyait dire quelque chose et s’entendre mutuellement. Quant à mon langage, personne ne voulait le comprendre. N’être pas compris est le plus grand supplice qui existe, surtout lorsqu’après de laborieux efforts on croit être enfin arrivé à se comprendre soi-même. C’est à devenir fou que d’entendre toujours répéter des erreurs dont on a eu tant de peine à s’affranchir, et rien n’est plus pénible que de voir les circonstances mêmes qui auraient dû nous rapprocher des hommes instruits et intelligents, amener des scissions éternelles.

Mes amis ne me ménageaient nullement, et cette fois je fis de nouveau une expérience qui s’est renouvelée bien souvent pendant ma longue carrière, c’est que les exemplaires donnés par l’auteur sont toujours une source de désagrément et de chagrin pour lui. Que le hasard ou la recommandation d’un autre vous