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BOTANIQUE.

de détail qui tue l’intelligence, et arrête, en le paralysant, l’essor du génie. Il me conseillait amicalement de ne pas échanger les champs toujours fleuris de la littérature contre des flores locales, des jardins botaniques, des serres chaudes, et encore moins contre des herbiers.

Je vis combien il serait difficile de faire comprendre à cet excellent ami le but de mes efforts, et de le convaincre de leur utilité ; je me contentai de lui dire que j’avais publié un petit volume sur la métamorphose des plantes. Il ne me laissa pas achever, et m’interrompit joyeusement en s’écriant : Je suis content, et rassuré sur votre compte, car je vois que je m’étais trompé, et que vous avez traité la chose à la manière d’Ovide ; aussi suis-je bien impatient de lire vos gracieuses descriptions des narcisses, des jacinthes et des daphnés. La conversation tomba sur d’autres sujets où j’étais sûr de son assentiment.

C’est d’une manière aussi positive que l’on méconnaissait le but de mes vœux et de mes efforts, car j’étais tout-à-fait en dehors des idées du temps. Tous les genres d’activités restaient isolés ; la science et l’art, les affaires et les métiers, se mouvaient dans un cercle à part. Chacun pensait à soi, travaillait pour lui-même et à sa manière, étranger totalement à son voisin, dont il s’éloignait à dessein. L’art et la poésie avaient à peine un point de contact, et ne réagissaient nullement l’un sur l’autre ; quant à la poésie et à la science, on les regardait comme tout-à-fait incompatibles.

Tandis que chacun s’isolait et tournait dans le cercle de ses travaux, la division du travail allait à l’infini ; on craignait jusqu’à l’ombre d’une théorie, car depuis plus d’un siècle on les fuyait comme des épouvantails, et l’on se contentait d’observations morcelées et des conceptions les plus vulgaires. Personne ne voulait